C’était un beau village, j’y vivais…

C’était un beau village, j’y vivais…

Enfant il y avait des écoles , des commerces , la poste, une gare, même une hôpital J’ai 50 ans, et j’ai tout vu… J’ai vu se rompre les filiations professionnelles , j’ai vu les jeunes partir, les faillites se multiplier, les exploitations peu à peu disparaître…

J’ai vu pleurer des agriculteurs, j’ai vu des drames face au changement du monde. J’ai vu les commerces , la poste et la gare fermer. Remplacés par un magasin général à la fois dépôt de pain, épicerie, courrier et relais postal, alors qu’un bus, par semaine, remplaçait le train.

J’ai vu fermer les classes, puis l’école. J’ai vu plus récemment nos médecins partir. Le premier il y a trois ans après 40 ans de soins. Médecin des familles, des pompiers, accoucheur il y a encore quelques années, il savait le village, les histoires et les secrets, il nous connaissait. Comme nos agriculteurs, il n’a pas eu de repreneur. Le second, son associé , arrivé il y a 15 ans, a été frappé par la maladie et a dû suspendre son exercice. Il nous restait un cabinet d’infirmières, cela dura un an…

Les deux médecins des villages voisins sont aujourd’hui partis, non remplacés également. Il nous restait l’hôpital à 20 km. Il doit fermer , son activité doit être transférée au grand hôpital de la ville à 80 km.

Nous sommes seuls ! Nous sommes seuls et la colère monte.

Pas contre les médecins ou les professions du soin, celle-là est passée, elle était comme celle qui vous remplit lorsque l’on vous annonce une terrible nouvelle.

Non, notre colère est froide et réfléchie et elle est contre vous, responsables politiques d’en haut.

Contre vous, quelle que soit votre couleur politique. Contre vous, qui avez par vos choix, par vos votes, par vos acceptations, vos démissions face aux besoins, provoqué notre malheur. Vous avez construit ce que vous appelez  » les déserts ». Ils sont vos échecs pas les nôtres. Et après l’agriculture et les écoles de nos villages vous avez frappé les médecins.

Vous avez voulu tout administrer, tout orienter, tout diriger, et plus vous avez posé vos mains sur nos vies, plus vous avez compliqué nos vies.

Nous vous avons lus et entendus, proposer des  » maisons médicales » comme vous avez proposé de regrouper l’hôpital, comme nous avons vu les commerces et les services publics regroupés en un seul lieu. Vous nous proposez des solutions palliatives alors que nous voulons vivre et grandir.

Nous avons vu grandir et se multiplier les territoires sans soin comme le nôtre, à la périphérie des villes, dans les villes moyennes, jusqu’au centre des grandes villes. Les raisons sont multiples, la cause est unique : votre incapacité à gérer aux côtés des professionnels.

Nous avions le meilleur système de santé du monde selon l’Organisation Mondiale de la Santé, parce qu’il était réparti sur tout le territoire, libéral et public, et que les patients pouvaient accéder à la meilleure médecine, par un maillage territorial. En quelques années, par vos politiques respectives, vous avez découragé les vocations, provoqué les départs, multiplié les fermetures, pire vous avez organisé la pénurie !

Vous avez effacé nos existences, vous nous avez considérés indignes de liberté, indignes de choix, indignes d’accès aux services alors que nous payons l’impôt. Vous avez décidé seuls du modèle sanitaire, et votre échec est total. Nos médecins savaient cela, nos infirmières ne disent pas autre chose. Vous décidez sans eux, vous multipliez les agences et augmentez le pouvoir administratif et nos médecins disparaissent. Je vous vois aujourd’hui candidats à la présidentielle à droite comme à gauche manier le « moi je » le « j’ai la solution » : comment vous croire alors que nous vivons vos erreurs? Nous ne pouvons pas et nous ne vous croirons pas. Je suis en colère, nous sommes en colère. Il faudrait vivre l’absence de service et les risques permanents dus aux manques , il faudrait vivre chez nous…vous ne le ferez pas. Autour de moi cette même colère fait surgir l’extrémisme face à l’abandon. Alors, si il vous reste un peu de dignité, un peu d’honneur, osez regarder vos erreurs et écoutez-nous , et faites-nous de la place! Laissez-nous décider, laisser ceux qui savent organiser, ils connaissent les besoins et les nécessités, ils connaissent nos vies , ils connaissent la vie !

C’est votre échec, celui de votre modèle, celui d’un monde isolé qui décide pour l’autre sans connaître l’autre. C’est à vous d’oser le changer, ou votre déclin suivra le nôtre.

 

Dr Jérôme Marty, président UFML-Syndicat

 

 

 

 

 

A lire: Le Premier ministre sifflé par les maires pour avoir défendu la liberté d’installation des médecins

 

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