C’est quoi un médecin au vingt et unième siècle ?

Madame la ministre,
Vous entendez aborder « la qualité des actes et la qualité des parcours » pour la médecine de ville, permettez-moi de m’adresser à vous :
Il y a un effondrement des installations au sortir des facultés, des déplaquages à tour de bras, des épuisements, des suicides, une administration qui pèse sur nos vies, un encadrement de nos pratiques qui vire à l’enfermement, des tarifs déshonorants, véritables « déshonoraires ». On bosse 55 à 80 heures par semaine, ciment sociétal, nous tenons la société à bout de bras, et là où nous venons à manquer, la société menace de s’effondrer.
Nous sommes au centre même de ce qui permet le vivre ensemble, nous sommes là quand cela va mal, au plus près de la souffrance et de tous les maux, nous écoutons, nous soignons nous rassurons, nous accompagnons. Nous avons choisi d’être médecins parce que nous croyons en l’autre, en l’humain, nous le sommes le matin, le soir, la nuit, en congé, en activité, hors activité, nous le resterons en retraite.
Nous sommes là encore et encore, malgré un mépris continu de l’État, de ses relais, de ses agences, de l’assurance maladie, des assurances complémentaires.
À 25 balles nous sommes encore là, face au vieillissement de la population, à l’augmentation des besoins, à la précarité, au désespoir, à l’angoisse des lendemains, nous sommes là.
Nous sommes là encore et notre exercice est de plus en plus difficile, prenez-y garde !
Il est de plus en plus difficile parce que les politiques successives ont provoqué les départs, dégoûté les vocations, insinué le doute chez les plus jeunes et pourtant face au manque, nous tenons.
Nous sommes payés à l’acte et j’entends la cohorte des experts rémunérés, confortablement nommés à la tête d’associations ou d’organisations, désigner ce mode de paiement comme inadapté parce qu’entraînant une course à l’acte …la manipulation est grossière !
Ce n’est pas le paiement à l’acte qui crée une course aux actes, c’est le manque de médecins !
Et c’est l’honneur de ceux qui restent que de faire face.
C’est le lien tarif – ONDAM qui a entraîné la minoration tarifaire, ce qui a provoqué fragilisation, épuisement et effondrement démographique. Il faut avoir un certain culot pour désigner coupable un paiement à l’acte dont on bloque toute possibilité d’évolution tarifaire pour mieux dire : « comprenez qu’il est inadapté » !

L’exemple des solutions aux déserts, porté par cette intelligentsia sans patients, est typique de ce qui tue notre profession et qui demain va tuer des patients : les maisons médicales, le salariat des professionnels, le paiement au parcours de soins, la délégation de tâches, la prise en charge des cotisations sociales, le forfait structure, et leurs corollaires. Les contrats de pratiques et les indicateurs ne sont que solutions d’aval et traitements palliatifs puisqu’ils ne s’attaquent pas au problème et ne posent pas les vraies questions : c’est quoi un médecin libéral dans notre société ? ça vaut combien ? combien l’État est-il prêt à investir pour que ceux-là continuent à porter à bras le corps cette société dans les bons comme dans les mauvais moments, combien ?
Vous pensez que les ROSP et autres forfaits-boulet-au-pied vont contenter la profession ? Vous croyez vraiment être dans une dynamique de donnant/donnant ?
Je suis UFMLS et je le dis ici : nous ne vous devons rien !
Après 30 ans de non évolution tarifaire et de dégradation organisée de nos exercices, nous ne devons rien à l’État !
J’entends déjà nombre de pitres, qui gravitent dans les cercles ministériels, assurantiels ou associatifs s’offusquer : ‘l’État paie leurs études » « l’assurance maladie prend en charge une part de leurs cotisations sociales » et ….et quoi ???
L’État ne paie pas nos études, il économise sur le dos des plus jeunes qui permettent aux hôpitaux de tourner à moindre coût, et assurent la survie et l’existence des centres hospitaliers généraux, dans des conditions souvent indignes ; quant aux cotisations sociales, avec 25 euros l’acte et 4,5 % d’augmentation tarifaire en 30 ans, le seuil de rupture est proche, le contrat est devenu un contrat léonin…
Vous voulez des installations : commencez par payer convenablement les médecins, pas par des subventions, pas par des aides contractuelles, simplement par le respect de ce qu’ils valent !
Du respect pour ce que sont ces femmes et ces hommes médecins qui ont fait le choix du secteur libéral, un secteur et une vie que les membres des ministères et autres tutelles ou associations grassement subventionnées ne savent pas, ne connaissent pas, puisqu’en en majorité issus de l’ENA, de la fonction d’état, ou du salariat.
Parler de recommandations, d’ indicateurs de qualités, sonne comme une totale méconnaissance de l’urgence.
Si un malade est en détresse je ne vais pas le faire patienter encore et encore, le temps que des experts évaluent la qualité des soins qui lui sont portés, édictent des recommandations et mesurent leurs applications !
Il y aura 25 % de médecins généralistes en moins dans les années à venir, il n’y a eu quasi pas d’ installations à Paris ces dernières années, évaluez Madame, prenez votre temps, « recommandez » « mesurez » …
Permettez-moi un conseil : pensez à ajouter deux cases à vos abaques, l’indice de colère et le seuil de rupture, vous allez « performer ».

Madame la ministre, il est temps de passer de l’adaptation à la construction ; seule une réforme systémique structurelle et profonde de notre système de santé permettra d’agir contre les déserts médicaux, la France du XXIe siècle ne peut se satisfaire d’un modèle sanitaire du siècle précédent.
Veuillez agréer, Madame la Ministre, l’expression de ma haute considération.

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1 Commentaire
  1. hales 6 ans Il y a

    honnoraires des praticiens libéraux les plus bas d’europe
    e% des étudiants ayant terminé leur études en 2016n allemagne excédent de 15 milliards avec des médecins payés le double des francais mais 4,5% de chomage ! Cherchez le loup !!!
    Comparons l évolution sur 35 ans du prix de la baguette de pain,du timbre poste ou du café au bar avec celui du c ou cs et autre lettres clés , voir meme d une simple cosultation chez un avocat!!
    Pourquoi lr desert médical ? car à ceprix la les jeunes ne veulent pas subir notre charge de travail et de soucis . ILs préferent le dous cocon de la fonction publique…

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