Le « candid’Endemol »

Jerome Marty

Jerome Marty

 Emmanuel Macron a présenté son programme santé à Nevers et une fois de plus, nous avons assisté à « l’instant Macron », entre télé-réalité et démagogie électoraliste.

En quelques minutes, tout est dit: le candidat subventionné ne connaît pas le secteur de la santé, il sur-joue donc et masque son inculture par la surenchère. Au café de la gare, il rejoint Manuel Valls qui, deux jours auparavant, avait annoncé « l’hôpital marche bien, la médecine libérale ne marche pas »  et disait vouloir supprimer le numerus clausus et le secteur 2.

C’est un festival : 

« en France, la pollution tue plus que dans de nombreux pays voisins » (Affirmation qui place d’entrée très haut la barre de l’absurde et qui se trouve saluée par la Macronsphère dans la salle et sur les réseaux par des commentaires dignes du Loft).

« il faut augmenter le contact entre les Français et les professionnels de santé », « Je créerai un service sanitaire de 3 mois pour les étudiants en santé »… »cela les responsabilisera » (la Macronsphère exultait).

Le candidat énarque ex-salarié de la banque Rothschild vient de prendre de la hauteur en essuyant ses Weston sur les soignants de demain. La plèbe peut bien remplir une ligne de son programme. En trois phrases, le jeune homme pressé endosse le costume de tous ceux qui l’ont précédé dans l’ignorance du secteur sanitaire et dans le mépris de ceux qui font le soin.

Emmanuel Macron n’a plus d’âge….De Sète, on pourrait entendre « le temps ne fait rien à l’affaire… »

Il annonce vouloir augmenter la rémunération des médecins par la contractualisation à des objectifs de santé publique. Emmanuel Macron a été ministre du gouvernement Hollande, aux côtés de Marisol Touraine : il ne peut donc ignorer que les médecins ont une part de rémunération forfaitaire sur réalisation d’objectifs de santé publique, mais il connaît la Macronsphère, il sait que ses fans ne critiquent pas…Et il fait sienne la déclaration de l’ex-PDG de TF1 Patrick Lelay, : « pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible (…). » Emmanuel Macron offre à la Macronsphère une image de gendre idéal, de golden boy, de révolution propre, son image est construite pour écarter la réflexion et vendre son programme.

Mais quels sont les annonceurs qui se cachent derrière Emmanuel Macron ?

Revenons à Nevers…

Emmanuel Macron se rappelle au monde mutualiste par la promotion des réseaux de soin : les tarifs des professionnels de santé sont nombreux, trop différents, il faut y mettre de l’ordre… Il va installer les mutuelles et les assurances privées au sommet de l’organisation sanitaire… avec le sourire, quelques minutes après avoir déclaré en introduction de son discours, qu’en matière de santé, l’homme est plus important que le chiffre…

Richard Ferrand, cadre mutualiste, rapporteur de la loi sur les réseaux de soins et premier conseiller du candidat objet, a bien travaillé ; la Macronshère, elle, avale, spectatrice du Loft…

Sur le Tiers Payant Généralisé, le candidat d’«en marche» dit comprendre les réticences des médecins, parle des contraintes de temps, de la difficulté de gestion, et annonce un audit de fonctionnement.

Il ne dit pas un mot de la réalité politique du TPG : lier le médecin aux assurances maladies, relais de l’Etat et de ses agences, supprimer la liberté de soigner et d’être soigné…La Macronsphère applaudit : l’adoration masque souvent le bruit des chaînes…

Puis Emmanuel Macron aborde « les figures imposées » :  ces sujets « éléments de langage » qui, de la droite à la gauche, vendent à l’électeur passif une bouillie prédigérée qui laisse croire à une connaissance du sujet par le politique candidat.

D’abord les Maisons de Santé Pluridisciplinaires : « les jeunes veulent travailler à plusieurs », il annonce vouloir les doubler. Il avoue sa volonté de faire disparaître la médecine de ville pour une médecine collectivisée dans les SISA, sous pilotage des ARS et sous financement mutualiste ou privé.

La ministre de la santé ne s’y trompe pas et dans un tweet où transparaissent ses lacunes mathématiques, elle demande à Emmanuel Macron d’en faire plus et adoube son programme comme digne suite de sa politique.

Puis la télémédecine, où le patient isolé peut être en contact avec « le professeur » derrière son écran…Emmanuel Macron vend le miracle de la technologie, comme tout bateleur, il exagère pour impressionner et marquer son auditoire (du cerveau disponible…). Lancé dans une adoration numérique, il annonce vouloir créer un « doctissimo » public où les patients trouveront les adresses, les plages de rendez-vous des médecins.

La Macronsphère applaudit encore et encore sans savoir que, comme pour la rémunération sur objectifs de santé publique, cela existe déjà.

Enfin E. Macron aborde l’hôpital : « la réforme de l’hôpital consiste à respecter ceux qui le font et concevoir avec eux la réforme », « quand on a peur, on va à l’hôpital », « on a fermé en amont trop de structures », « il faut déconcentrer le pouvoir des ARS », « il faut décloisonner entre le public et le privé et le sanitaire et le médicosocial », il flotte comme un air de liberté …Et …E. Macron annonce qu’il faut développer les Groupements Hospitaliers de Territoire (avenue de Ségur, on entend comme un cri de jouissance).

 La réalité est là, mais la Macronsphère ne la perçoit pas, les yeux fixés sur l’idole: point de respect des professionnels de santé hospitaliers, point de décloisonnement public privé: E. Macron se prononce pour plus de pouvoir administratif, plus de mainmise du politique sur le soin, plus d’hôpital aux ordres des intérêts politiques ou économiques du pouvoir.

Pour finir, E. Macron aborde la question de l’industrie de la santé, et l’on sent dans ses paroles une proximité quasi filiale avec le monde qu’il décrit. La France vit des ruptures d’approvisionnement de médicaments, dues au faible niveau de ses prix d’achats, et à l’autre bout de la chaîne, les médicaments s’accumulent dans les tables de nuit, il faut donc vendre à l’unité, il s’y engage ! C’est simple et beau comme un emballage… Pendant plus d’une heure, Emmanuel Macron aura donc appelé à la création d’un service sanitaire de 3 mois, inventé la ROSP et les centrales de réservation, développé les réseaux de soin et livré la santé aux assurances privées, mis des professeurs de médecine derrière les écrans de télémédecine, multiplié les MSP et les GHT, et vendu les médicaments à l’unité ! La Macronsphère n’y a vu que ce qu’elle attend : une émission de téléréalité rassurante, où un candidat jeune et souriant, symbole de réussite, joue le changement. Là encore, il existe un Endémol où des producteurs ont choisi le candidat…ils financent l’émission. Interrogé par des journalistes de France 2, E. Macron le rappelle il ne peut  livrer les noms des généreux donateurs, « c’est  secret », c’est la loi. Dans la vraie vie, les médecins et les professionnels de santé doivent être transparents sur les avantages perçus de l’industrie pharmaceutique et ce, dès 10 euros… Mais la politique n’est pas la vraie vie et les règles sont autres pour le « candid’endémol « ! 

macronendemol

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