Le paiement à l’acte vous protège

Ces mots pour montrer que des voix peuvent s’élever contre le politiquement correct et la pensée magique. Agnès Buzyn a affirmé lundi vouloir « aller vers une tarification à la qualité et au parcours de soins, y compris en médecine de ville, c’est-à-dire […] ne pas continuer à financer la totalité des actes en ville ».

De façon assez cynique notre ministre amalgame donc la T2A, Tarification à l’activité pratiquée en établissement de soin, et le paiement à l’acte, base de la rémunération de la médecine libérale. Que reproche-t-on à la T2A ? Sa dérive économique : la pression mise sur les équipes de soins dans un but de rentabilité, et la course à l’acte induite pour minorer le déficit abyssal de l’hôpital public.

Quel rapport avec le paiement à l’acte?

Les médecins de ville sont-ils sous la coupe d’une administration qui leur impose de multiplier les actes ? Non, ils sont seuls décisionnaires.

Y a-t-il une corrélation entre le paiement à l’acte et le nombre d’actes réalisés ? Oui et le jeu du ministère et de l’assurance maladie est de maintenir les tarifs au plus bas afin que les médecins de ville travaillent plus encore et pallient ainsi la pénurie qui s’installe à force de décisions politiques absurdes. .

« Ce qui est utile aux malades, y compris en médecine de ville, ça va être donc des tarifications par parcours où les professionnels de ville ou de l’hôpital vont avoir chacun une part de cette rémunération ». Ce qui est étonnant, c’est que face à une telle affirmation personne ne la démonte et pourtant…

Rien ne permet d’affirmer que la tarification au parcours serait plus utile aux malades.

Nous sommes face à une pensée magique dans le meilleur des cas, face à une manipulation dans le plus inquiétant (et le plus probable).

Rien ne le prouve, bien au contraire, le bilan des trente dernières années de gouvernance du soin montre deux évidences incontournables : chaque renfort du pouvoir politique et administratif sur le soin détruit le soin !

Toute atteinte à l’indépendance des pratiques et à la liberté de soigner est un recul de la qualité que le patient paye de façon dramatique.

La tarification au parcours sera l’un et l’autre : elle renforcera la mainmise du GHT et donc de son administration sur la médecine de ville, elle liera établissement et médecine de ville en une même part de rémunération pour un parcours de soin donné.

Dans ce parcours, le médecin libéral de ville, le paramédical libéral, seront en bout de ligne, ils seront les variables d’ajustement du système ! Le GHT se servira, les fédérations hospitalières se serviront, les libéraux en bout de ligne, seront payés …ou pas.

Il est bon de rappeler que dans le paiement à l’épisode de soin, tel qu’il est pratiqué dans certains pays nordiques, les complications opératoires ou les suites chirurgicales difficiles ne sont pas prises en charge dans l’enveloppe de rémunération de l’équipe qui gravite autour du patient.

La perversion du système est à la fois un risque de dérive assurantielle pour les chirurgiens, un défaut de paiement pour les professionnels, une sélection des patients afin d’écarter ceux à risque de complications. Cette solution est défendue par l’assurance maladie qui y voit des économies d’échelles conséquentes.

Le paiement au parcours s’accompagnera de protocole et procédure, de normalisation du soin, avec son corollaire, le soin de la pathologie et non du patient, l’enveloppe dédiée sera à la pathologie, et le financeur n’aura de cesse que de minorer son coût.

Vous avez dit qualité ? Tout cela sous Objectif National de Dépense d’Assurance Maladie, ce point est important, majeur même !

Puisque le soin dépend d’une enveloppe contrainte, il n’est possible d’augmenter l’un qu’en minorant l’autre…

À cet instant rappelons-nous de la phrase de notre Ministre : « ne pas continuer à financer la totalité des actes en ville ».

L’affaire est presque entendue, elle tient en deux points : puisqu’il n’est pas question d’augmenter les tarifs des médecins libéraux, inventons un nouveau mode de rémunération qui minore la part de leur paiement à l’acte, bien malin qui verra qu’ils ne sont toujours pas augmentés. Puisqu’il faut améliorer le sort de l’hôpital public, prenons largement sur la part de la médecine de ville et masquons cela par une rémunération qui lie son exercice à celui de l’hôpital.

Et puisqu’il est de bon ton de rabaisser la médecine de ville qui serait incapable de soin de qualité, notre ministre ajoute « le paiement à l’acte est utile pour toutes les consultations aiguës », par exemple « quand vous avez la grippe ». Paraphrasant presque une autre ministre R Bachelot qui avait osé affirmer : « le médecin généraliste c’est pour la grippe, quand c’est grave on va à l’hôpital » !

Les mots sont tout aussi durs, à la limite du mépris, ils tendent à dire que depuis des dizaines d’années les médecins de ville, les médecins libéraux, ces incapables, ne peuvent prendre en charge les pathologies complexes, les histoires de vie difficiles et que, si ils le font ils seraient presque dangereux puisque loin de la qualité du fait de leur mode de rémunération.

Le paiement à l’acte est pourtant à la base même du développement de la médecine libérale en France, à la base du particularisme sanitaire français qui a fait de notre système l’un des plus enviés du fait de l’existence d’un secteur public et d’un secteur libéral, complémentaires par leurs différences.

Le paiement à l’acte a permis de mailler le territoire et de permettre il y a encore quelques années à tous les Français d’avoir un médecin traitant.

Ce n’est pas le paiement à l’acte qui a construit les déserts médicaux mais les choix de ne pas vouloir faire évoluer les tarifs des actes.

C’est une volonté politique qui a fait du médecin la cible de tous les maux et qui a rendu la médecine libérale non attractive.

C’est la logique de l’ONDAM ! La logique de l’ONDAM est à la base même de tous les échecs de notre système de soin, elle est un outil politique pervers qui lie les rémunérations des soignants à l’état économique du pays et donc aux conséquences des politiques successives (l’assurance maladie voit son déficit directement lié à la baisse du nombre des cotisants en lien avec la politique du pays).

Elle oppose secteur hospitalier public et secteur hospitalier privé et professions du soin entre elles. Les oppositions ainsi créées pour une amélioration de sa part d’enveloppe au détriment de l’autre font oublier à tous que l’enveloppe est trop restreinte et masque la responsabilité des politiques.

Elle transforme de façon cynique les conséquences des actes politiques en causes et fait ainsi du médecin libéral, dont la profession a été rendue non attractive, le responsable des déserts médicaux et fait du paiement à l’acte, maintenu par choix au plus bas de la moyenne européenne, le responsable d’une non-qualité supposée.

 

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