Ne ressentez-vous pas comme un malaise à ne rien entendre ni voir dans les média à propos de la colère qui gronde chez les médecins

Jean Claude Ghaleb

Jean Claude GhalebNe ressentez-vous pas comme un malaise à ne rien entendre ni voir (ou si peu) dans les média à propos de la colère qui gronde chez les médecins et IDE notamment ? Voir qu'aucun de nos patients ne sait que des grèves dures se préparent ?

Alors que les élections URPS approchent, j'aimerais élever le débat (au sens « voir notre situation « par dessus ») pour que chacun s’interroge sur des enjeux globaux qui peuvent sembler dépasser notre exercice quotidien.

Ce sont ces enjeux pourtant qui conditionnent toutes les actions (politiques et médiatiques) qui vont creuser la tombe du système de santé qui singularisait la France jusque-là. Ce processus est en oeuvre depuis des décennies à bas bruit, et ne date pas de Mme Touraine, qui certes porte le coup fatal et se distingue par son obstination à ignorer les réalités du soin sur le terrain.

On constate dans tous les média qu'ils soient publics ou privés radio-tèlévisés ou écrits, une omniprésence écrasante et majoritaire des publicités pour les complémentaires santé.
– cela est le marqueur de la privatisation en cours de notre assurance santé et d'une course aux adhérents.
– cela est prélevé sur les cotisations des adhérents au détriment du remboursement de leurs soins
– cela représente des masses financières considérables qui ne sont pas chiffrées mais qui représentent au moins 15 à 20% du montant total des cotisations aux complémentaires. Ces dépenses destinées à attirer de nouveaux adhérents sont payées par les adhérents actuels, sans aucun contrôle de leur part en termes de gouvernance. En effet, le pouvoir des assurés sur les décisions de gestion, ne reposant que sur la participation annuelle à une AG, sans aucun outil d'audit indépendant, est une farce illusoire.
– cela rend la presse de manière générale extrêmement dépendante, pour sa survie économique, de la manne publicitaire fournie par les complémentaires, ce qui a l'évidence créé un conflit d'intérêt dans les choix éditoriaux et le choix des sujets (presque exclusivement à charge contre les soignants et silencieux quant aux assureurs).

Cette dépendance aboutit à la longue à une inversion de paradigme dans le sens où les financiers, vendeurs d'assurance bénéficient d'une forte image artificielle de solidaires ("mutualistes") alors que ceux qui exclusivement apportent la valeur ajoutée à la santé (les soignants) sont qualifiés de profiteurs nantis escrocs etc., alors que de manière vicieuse, on fait la « charité » (tarifs indignes, tiers-payant coûteux) à leurs dépens.

Ces attaques frontales sont le fait soit directement des dirigeants d'assurances soit de manière indirecte, rampante et pernicieuse par leurs obligés au sein des média et de la classe politique. A ce propos la classe politique n'a rien à envier aux média pour ce qui est d'un financement cette fois ci plus discret sous forme d'emplois (jugés) fictifs de « direction » ou de « conseil » ou de « démocratie sanitaire » pour les malheureux du suffrage universel.

En termes de gouvernance, il y a un énorme problème au niveau tant des comptes de la secu qui ne sont toujours pas certifiés par la Cour des comptes, que des frais de fonctionnement (ou frais de gestion) des mutuelles, qui eux sont exorbitants, de l'ordre de 25%, opaques et sans autre contrôle que celui (illusoire car sans moyens) des cotisants.

Tout cela aboutit au paradoxe français, soit: en comparaison internationale, (OCDE ou Europe) à une dépense d'assurance santé parmi les plus élevées et simultanément une rémunération horaire des soignants parmi les plus faibles.

A travers le transfert progressif du petit risque de la sécurité sociale vers les complémentaires à travers l’ANI et la mutuelle obligatoire (+ les sur-complémentaires), nous sommes bien devant une privatisation qui ne dit pas son nom. Elle ne laissera à la sécurité sociale que le risque lourd et certain (notamment les hospitalisations et traitements coûteux en ALD)
Cette privatisation du côté des flux financiers s'accompagne, comme en miroir, de son nécessaire pendant du côté des soignants: L’ASSUJETTISSEMENT.

Cet assujettissement des soignants libéraux (médecins, IDE, kinés, etc.) passe par le contrôle des ARS sur les installations, le contrôle croisé HAS CPAM sur les pratiques, et la maîtrise de la totalité de leur rémunération (et de leur trésorerie) par le TPGO.

Il s’agit donc, globalement, à la fois d’une dérivation accélérée d'immenses flux financiers en direction d'intérêts privés des assureurs mutualistes ou non (privatisation) en mettant à leur service obéissant les véritables et SEULS créateurs de valeur ajoutée pour la santé publique, appelés désormais « EFFECTEURS", que sont les soignants. Dès que la part sécu dans le remboursement de nos consultations sera inférieure à 50%, nous serons, nous aussi les PRESCRIPTEURS, poussés à rejoindre les réseaux de soins pilotés par les assureurs car les autres choix (notamment le libéral) seront invivables.

Voici selon moi les véritables enjeux. Tant que nos syndicats seront financièrement dépendants de leur signature conventionnelle avec la CNAM pour leur financement (de l’ordre du million d’euros par an) et ce que cela permet comme revenus de formation, nous serons les dindons de la farce quelles que soient nos vociférations et les artifices de communication de nos syndicats.

Qui admettrait que seuls les partis politiques favorables au gouvernement en place bénéficient de subventions publiques ? Personne probablement. Et c’est pourtant ce que nous médecins acceptons pour les syndicats qui nous représentent….

Pas de signature = pas de financement.

Alors oui à l’unité, oui nous sommes tous frères et soeurs, mais ne nous cachons pas derrière des querelles stériles.

L’important est ailleurs. Notre système de santé est corrompu par l'argent de la publicité pour des services assurantiels standardisés mais sans compétition sur les prix. Notre système de représentation est corrompu par le conditionnement de son financement à l'allégeance.

Ressaisissons nous, Regardons la lune plutôt que le doigt !

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