La Loi Santé n’est pas ce qu‘elle prétend être

Marie Helene Rougie

Marie Helene RougieDès l’article 1, la Loi dite de Modernisation de la Santé portée par Marisol Touraine et sur le point de passer en deuxième et dernière lecture à l’Assemblée Nationale, annonce le séisme qu’elle constituera pour le système de santé français, et notamment pour la médecine libérale et le secteur d’hospitalisation privée, le changement complet et définitif de paradigme qu’elle induira, en affirmant que l’Etat est responsable de la politique de santé, là où elle disait auparavant que l’état est responsable de l’évaluation de la politique de santé.

Ainsi, l’Etat, via les Agences Régionales de Santé, va décider de tout en matière de médecine  de ville et dans les établissements privés: projets de soins, bonnes pratiques, cadres de prescriptions selon des considérations purement comptables , regroupements de services ou de praticiens, répartition des professionnels de santé. Ceci correspond à une étatisation de la médecine libérale dans son organisation.

Le tiers payant généralisé (TPG) n’est pas un dispositif visant à améliorer l’accès aux soins  (puisque le tiers payant social existe déjà pour les personnes les plus en difficulté et qu’il ne les aidera en rien à accéder aux soins les moins bien remboursés) mais un dispositif d’assujettissement du médecin au financeur qui se trouve être aussi désormais l’organisateur des soins. 

On comprend dès lors la perte totale de liberté et d’indépendance du médecin pourtant indispensables à sa bonne pratique et le conflit d’intérêt que constitue cette dépendance, entravant l’obligation de moyens qu’il doit à son patient dans le code de déontologie.

A noter que pour bénéficier du TPG, les patients devront accepter la création du dossier médical partagé, la prescription exclusive de génériques et le prélèvement direct par  l’Assurance maladie des franchises sur leur compte bancaire (franchises pourtant tant décriées par l’actuelle majorité quand elle était dans l’opposition).

Ce tiers payant généralisé va permettre de désengager peu à peu, de façon discrète, l’assurance maladie, du remboursement des soins au profit des mutuelles qui, dès lors qu’elle participeront pour plus de 50% dans le remboursement des frais, pourront créer des réseaux de soins, comme elle le font déjà pour les soins dentaires (loi Le Roux). Certains groupes mutualistes à ce jour ont déjà contacté les directions des cliniques pour proposer des réseaux de soin en chirurgie orthopédique.

Ces réseaux imposent par exemple, des matériaux à bas coût aux praticiens qui travaillent avec eux, influencent leurs pratiques et imposent aux patients le médecin et le chirurgien qui les suivra.

C’est donc la perte de la liberté de choix du patient et une médecine tirée vers le bas, vers des soins low-cost basés sur le volume et la rentabilité mais pas sur l’excellence.

Le dossier médical partagé (DMP) n’est pas un outil de partage de données médicales entre médecins, mais bel et bien un dossier contenant toutes les informations médicales, sociales et administratives de tous les patients, consultable par toute personne intervenant dans leur prise en charge y compris le personnel non soignant des mutuelles et des assurances.

L‘Etat se donne en outre le droit de créer une base de donnée patients, big data comportant des données sociales, administratives et les données médicales issues du SNIIRAM  (Système National d’Information Inter-Régime de l’Assurance Maladie) et du PMSI (Programme Médicalisé des Systèmes d’Information) dont il pourra communiquer et même vendre les informations à tout institut privé dès lors que celui-ci démontrera que l’exploitation de ces données a un quelconque intérêt de santé publique.

Ces deux éléments abolissent la notion de secret médical.

Cette loi bafoue donc les valeurs fondamentales de la médecine, déchire le serment d’Hippocrate en s’attaquant à des valeurs qui doivent rester inaliénables :  l’indépendance du médecin, le libre choix du patient et le secret médical, raisons pour lesquelles l’ensemble des médecins s’oppose à cette loi avec force et détermination, avec le soutien du Conseil National de l’Ordre des Médecins, de l’Académie de Médecine et de l’Académie de Chirurgie.

En outre, cette loi prend le risque, en asphyxiant les établissements privés, (exclus des missions de service public, tenus de présenter leur bilan comptable puis taxés si le bénéfice est jugé, selon des critères non précisés, trop important) de déséquilibrer  totalement et gravement l’organisation de la santé en France qui fonctionne harmonieusement sur la collaboration et la complémentarité public / privé et partant, de mettre en danger nos concitoyens.

De la même façon, en voulant la mort de la médecine libérale (propos tenus publiquement sur France Culture en avril 2015 par Brigitte Dormont, économiste proche de l’élaboration de cette loi), cette loi prend le risque d’aggraver encore les problèmes de démographie médicale et des déserts médicaux.

C’est pourquoi les médecins de la France entière, séparément ou regroupés en collectifs dont plus de soixante ont fleuri depuis quelques mois, ont décidé de dénoncer publiquement les dessous de cette loi qu’ils jugent dangereuse et non éthique et de s’opposer farouchement à son passage, puisqu’elle leur impose de bafouer le serment d’Hippocrate, ce qu’aucun médecin ne pourra jamais accepter.

Car un serment est sacré.

Dr Rougié

Porte-Parole de la Coordination des Médecins Libres et Indépendants de la Haute-Garonne

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