Lettre ouverte à François Bayrou – Dr Jérôme Marty Président de l’UFMLS

Lettre ouverte à François Bayrou - Dr Jérôme Marty Président UFMLS

Monsieur le Premier ministre,

J’ai mis du temps à vous écrire, des jours…
J’ai pris le temps, vos déclarations m’ont sidéré, figé, difficile de bouger devant tant d’énormités.

Je suis médecin libéral, médecin généraliste, un de ces soutiers qui, loin de votre vie feutrée, entourée, protégée, porte le système sanitaire, rame loin des regards dans cette cale oubliée, et le fait avancer.

Je vous ignorais, Monsieur le Premier ministre, vous le Béarnais de Bordes, moi l’Occitan de Fronton, je vous ignorais. Comment s’intéresser au carriériste politique, lorsque la souffrance, le doute, l’angoisse, la maladie, la mort sont votre quotidien ? Aucun mépris dans cette attitude, simplement, vous n’existiez pas. J’évoluais hors de votre cercle, pour une simple et terrible raison : j’étais, je suis par ma fonction, dans la vraie vie…
Je me foutais de vos ambitions, de votre histoire, de votre parcours, même si, aussi loin que je me souvienne, vous avez toujours été là…
Vous étiez conseiller général quand je débutais médecine, ministre de l’Éducation quand je m’installais.
Plus de 30 ans d’exercice médical plus tard, j’ai 60 ans, et vous êtes Premier ministre.

Je vous ai toujours vu… sans vous voir…
On ne peut soigner sans être ancré dans la réalité, et, quand on soigne, on se fout de la futilité.

Et puis…

Et puis, ce 15 juillet 2025, vous avez déclaré : « Il faut responsabiliser les patients. »
Vous avez appelé à dérembourser les traitements, diminuer la durée des affections de longue durée et le nombre des arrêts de travail, augmenter les franchises sur les médicaments…
Vous avez dit :
« Il faut responsabiliser les patients pour que le coût de la santé soit plus concret. »

Je ne pouvais plus vous ignorer…

Votre monde venait de percuter le mien.

Plus de 30 ans de médecine, plus de 30 ans de maladies, de vies fatiguées, de corps brisés, avec sur mon chemin une obligation : donner à mes patients des soins consciencieux et conformes aux connaissances scientifiques, et une certitude : mes patients n’ont pas choisi d’être malades.

C’est cela, être soignant, Monsieur le Premier ministre : s’insérer et intervenir dans des moments de vie imposés à des femmes et des hommes soudain devenus « patients ».
C’est cela, être soignant : être là pour celles et ceux qui n’ont pas demandé à être là !
Être là pour ceux qui, de fait non responsables, n’ont pas à être responsabilisés.

C’est cela, être soignant : savoir que face à la maladie, chacun doit être protégé, soulagé, soigné, accompagné, simplement parce qu’il est, et non pour ce qu’il est ; savoir que c’est l’honneur de la France de permettre d’effacer les différences.

Je ne porterai pas votre « responsabilisation ».

Au cours des 30 dernières années, j’ai vu s’effondrer la médecine de France.

J’ai vu s’étendre les déserts, fermer des hôpitaux et des structures de soin, s’installer et se multiplier les strates administratives.
J’ai vu des médecins déplaquer, des infirmières abandonner, des pharmacies couler, j’ai vu les blouses raccrocher…

Monsieur le Premier ministre, je vous l’affirme : je n’accepte pas votre culpabilisation des malades ni vos graves accusations portées à l’égard des soignants.

Je n’accepte pas votre dévoiement du système solidaire en système inégalitaire : faire payer plus les plus malades, faire payer plus pour être moins remboursé, et au final, possiblement, ne plus se soigner.

Je ne l’accepte pas et appelle les soignants de toutes professions, et de tous secteurs d’exercice, à ne pas l’accepter et à faire rempart de leurs blouses blanches.

Il est temps que les soignants se lèvent pour protéger les malades.

Il est temps de responsabiliser les politiques.

Dr Jérôme Marty
Président UFMLS

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