Lettre ouverte à nos confrères et consoeurs, médecins de ville

Lettre ouverte aux médecins de ville

Ma chère consoeur, mon cher confrère,

Je m’adresse à vous, pour vous parler de vous, de nous.

Parce que la situation est catastrophique en tout point.
Parce que les semaines et les mois qui viennent verront leurs lots de propositions d’obligations, de quotas, de forfaits, de salariats, d’encadrement.

Oui la situation est catastrophique, disons le, et osons regarder la plaie.

A quoi voit-on qu’une situation est catastrophique ?

Quand face à celle-ci n’apparaissent plus que des solutions palliatives :

· Centres de santé montés par Ramsay (art 51 sans la moindre consultation des syndicats de médecins) aux médecins forfaitisés, assujettis aux directions financières des établissements du groupe.

· Centres de santé aux médecins salariés, subventionnés parce que déficitaires.

· Démembrement de l’exercice médical par le don à d’autres professions de pans entiers de l’activité. ( Souvent sans participation ni demande d’avis des syndicats de médecins…)

(Pharmaciens : TROD, vaccinations, prescriptions de traitements, renouvellement d’ordonnances, changement de prescriptions, remplacement de traitements prescrits par des biosimilaires, … (obtenus sans la moindre consultation des syndicats de médecins)

· Imposition de modification de modes de rémunération aux urgentistes privés (sans discussion avec la profession)

Et au-delà par l’existence d’une maltraitance institutionnelle des externes et internes encore trop présente, par une perte de l’attractivité de la profession écrasée sous les charges, le poids administratif, les temps de non soin et l’augmentation continue de la demande de soin avec un cercle vicieux mortifère : plus de dé-plaquages, moins d’installations, plus de pression sur l’exercice, plus de dé-plaquages et effondrement…

Et au-delà, par le maintien, de tarifs qui ne sont plus des honoraires mais des déshonoraires.

23 euros le C, 25 euros le G et 35 euros la visite …

Et au-delà, par une insulte de plus au travers du remboursement scandaleux et inique de la DIPA.

Et au-delà, par le mépris le plus terrible doublé d’une mise en danger, que nous avons vécu lors des premiers mois de la crise COVID, avec des dizaines de milliers de soignants contaminés et des dizaines de drames pour avoir sans armes porté le soin.

Tout cela, tous ces exemples, signent l’échec, indubitable et complet des syndicats horizontaux.

La dernière victoire syndicale remonte à 2002 il y a quasi 20 ans et elle n’était à l’époque qu’un rattrapage tarifaire ( C à 20 et V à 30), …et encore cette victoire fut construite avec la force des coordinations.

Ceux qui prétendent l’inverse, ceux qui n’osent regarder la responsabilité des syndicats et au-delà de la profession se mentent et vous mentent.

C’est à ce constat terrible que nous arrivons.

Avec une volonté, une seule : vous redonner toute votre place, une place à la hauteur de votre rôle, de vos responsabilités, sanitaires, sociales, économiques, politiques.

Non on ne peut pas faire sans vous.

On peut bricoler, mettre en place des solutions palliatives, envoyer des faux docteurs, faire du télé-machin commercial avec des médecins hémianopsiques au diagnostic partiel, installer des centres de santé subventionnés aux médecins qui travaillent 35 h, à la rentabilité aussi faible que leur productivité, on perd en qualité… et nous sommes responsables de NOTRE médecine, et nous n’avons pas à accepter cela.

Non nous n’avons plus à accepter la casse de notre médecine et nous n’allons pas nous excuser d’être médecins.

92 % des personnes âgées vivent à leur domicile et parmi elles, des patients dépendants physique, psychique, social, (il en va de même pour les patients jeunes et moins jeunes atteints de handicap) pendant les ¾ de la campagne vaccinale, le politique et l’administratif l’avaient oublié ! Aveuglés par leurs plans blancs absurdes et autres procédures hospitalo-centrées.

Ils l’avaient oublié parce qu’ils ne nous connaissent pas et pire, nous n’existons pas à leurs yeux et ce faisant, les patients pris en soin par les seules équipes libérales, notamment l’immense majorité des patients dépendants, avaient disparus.

Qui tout au long de l’année veillent sur ces patients ? Qui les soigne ? Qui se déplace et leur amène réconfort, humanité et soins, sinon vous ?

Des centaines et des centaines de milliers d’interventions, vous les vivez, vous les réalisez, avec autant de responsabilités, et autant d’impacts sur le plan sanitaire, économique et social.

Des centaines et des centaines de milliers d’interventions, qui restent invisibles…le patient, pour une majorité de politiques ne commençant à exister qu’en franchissant les murs de l’hôpital ou de l’EHPAD.

Il est plus que temps de leur ouvrir les yeux !!!

Oui je le dis ici, devant vous, votre rôle et votre activité sont indispensables.

Et l’acte qui définit la majeure partie de vos pratiques : la visite, liée à l’acte tarifaire de base de nos métiers est sous-évaluée et cette sous-évaluation met en place les conditions de la disparition de ce mode d’exercice spécifique à la France et porteur de la qualité du soin !

Comment pourrait-il en être autrement ? Avenue de Ségur, vous n’existez pas ! Nous n’existons pas !

32 milliards pour l’hôpital public 700 millions pour l’exercice libéral ( « Un effort historique » dira le directeur de l’assurance maladie Thomas Fatome, « la médecine libérale a son Segur » dira Olivier Véran)
45 fois moins que l’hôpital public et pour eux c’est presque trop !

Non, nous n’existons pas à leurs yeux !
Il est temps de leur ouvrir les yeux !

C’est d’abord cela que nous voulons faire avec toutes celles et ceux qui voudront porter cela avec nous, leur ouvrir les yeux !

Non nous n’avons pas à accepter que l’on casse notre médecine par des mesures basées sur la méconnaissance de la réalité de nos métiers.

Nous sommes un des derniers ciments sociétaux, nous sommes celles et ceux sans qui rien n’est possible !

La vie d’un territoire ne se relancera pas à coups de cabines de téléconsultation, il faut vraiment ne rien connaitre à la pâte humaine pour penser cela, il faut vouloir encore et sans fin la présence de territoires inégalitaires pour penser cela !

Non sans nous, rien n’est possible !

Notre rôle est sanitaire bien sûr : prévenir, soigner, accompagner, mais il est aussi social : nous faisons société, nous insérons, nous aidons, nous facilitons, nous ouvrons à l’avenir.
Notre rôle est économique : nous sécurisons, nous rassurons, nous ancrons les populations, nous favorisons les développements, nous relançons les territoires.
Notre rôle est politique, que nous le voulions ou non notre rôle est central à l’organisation de la vie dans la cité, définition même de ce qu’est la politique.

Tout cela ne sera jamais fait par le télémachin commercial, la cabine de douche connectée, ou le centre de santé déficitaire au médecin salarié obéisseur !

Tout cela c’est nous ; c’est vous !

Tout cela vaut plus que 25 euros, plus que 35 euros, tout cela vaut plus que l’indifférence et l’ignorance.

A nous de leur ouvrir les yeux.

Les Français nous accordent année après année, un taux de confiance jamais démentie de plus de 88%, ce taux monte à 92% pour les patients en ALD alors que le taux de confiance dans les leaders politiques est autour de de 9%.

Je vous demande de voir au-delà du syndicalisme, je vous demande de croire en vous, et de porter la lourde responsabilité de cette importance sociétale, parce que c’est en étant convaincu de cela, que l’on ne recule pas face à l’ignorance et à la facilité.

L’UFMLS veut rendre visible de tous cette place centrale de la médecine et de la médecine libérale, elle n’a qu’une volonté, vous défendre, défendre notre médecine, défendre notre exception française. Celle d’une France mère du système solidaire, riche d’un secteur hospitalier public et d’une médecine libérale forte. Une France qui dispose de tous les atouts pour relancer une médecine de qualité, à condition qu’elle base cela sur l’écoute, la co-construction et la juste considération de celles et ceux qui en sont le réacteur atomique : vous.

C’est cela que nous voulons porter, une révolution systémique qui passe par un basculement des pôles : les médecins co-décideurs et coresponsables du système de soin et pour cela reconnus dans leurs rôles et leurs responsabilités.

3 Commentaires
  1. Galeyrand Félix 2 ans Il y a

    Un mois d’explication au patients pour les avertir et expliquer – menacer nos oppresseurs aussi -, puis déconventionnement général et imposition d’autorité du tarif moyen européen, point.
    Tout comme le redressement du pays ne se fera pas sans changement fondamental de cadre (passage à une sixième république qui en serait vraiment une, pour sortir des truandages, magouilles et impunité de l’oligarchie qui profite inconsidérément de la cinquième entourloupe pseudodémocratique), il est le moment d’un vrai coup de poing sur la table pour la santé. L’État vient d’être condamné pour son inaction face au changement climatique, il a été minable dans la gestion du Covid, cessons d’agir en moutons et dressons nous, nous le devons à nos patients.

    • Houssaint 2 ans Il y a

      Et pourquoi faire une charte de deconventionnement avec un tarif décidé par les médecins . Sous contrôle d’huissiers , mettre en place ce deconventionnement lorsqu’un quota défini de médecins a signé la charte ( au moins plus de 50% des médecins conventionnés )

  2. MOATTI 1 an Il y a

    Magnifiques discours avec de superbes mots d’ordre mais j’attends toujours les actes (grèves intermittentes, manifestations diverses et variées…)
    La loi devrait supprimer les subventions pour les syndicats, distribuées au bon vouloir des autorités et instituer un financement obligatoire de l’état en fonction du nombre des syndiqués, sans aucune cotisation à régler. Ceci afin d’éviter tout conflit d’intérêt entre l’état et les syndicats.
    Par ailleurs, je suggère que beaucoup de médecins aient des consultations psychiatriques afin de soigner leur « syndrome de l’infirmière » et leur « anorexie financière pour la juste rémunération de leur travail ». Leur docilité est pathologique…

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