Le Pacte de lutte contre les déserts médicaux, présenté par M. Bayrou en avril 2025, impose aux médecins généralistes, dits de premier recours, de nouvelles contraintes d’exercice au sein des 151 intercommunalités prioritaires, à ‘fort indice de vulnérabilité’, regroupant 2.2 millions de Français.
« Les médecins des territoires voisins devront s’organiser et se relayer pour assurer une continuité d’exercice en médecine de premier recours dans ces zones, avec des plannings définis à l’avance sur le modèle de la permanence de soins. Ils devront consacrer jusqu’à deux jours par mois pour ces zones prioritaires. Ces médecins pourront se faire remplacer dans leur cabinet principal »’.
Pacte de lutte contre les déserts médicaux – Dossier de presse 25 avril 2025
Selon le ministère de la Santé, le dispositif « deviendra réalité » dès septembre et proposera aux patients d’obtenir un rendez-vous rapide, avec un outil national dédié pour des consultations sans complément d’honoraires.’
Le ministre de la Santé, M. Neuder, compte dans un premier temps sur « les médecins qui disposent de temps » à l’instar des « remplaçants, retraités et exerçant à temps partiel » durant cette phase de lancement dite « préfiguratrice ». Cette mission articulée par l’ARS et la Préfecture s’imposera aux médecins « à proximité raisonnable » des zones en tension.
Au-delà des belles intentions et des effets d’annonce, analysons les propositions d’indemnisation et les sanctions possibles. Il est trop accommodant pour le Ministère de s’en laver les mains en renvoyant les mesures coercitives aux « évolutions législatives ».
Les 200 euros :
L’indemnisation des médecins s’élèvera à 200 euros par jour, « en plus du paiement des consultations réalisées » précise le Ministère, magnanime…
Donc 200 euros probablement fiscalisés, auxquels doivent être déduits : le point mort de nos cabinets (part des charges incompressibles journalières) de plus de 100 euros par jour ouvré, le coût des transports, de la possible chambre d’hôtel, des repas…etc.
Cette somme, totalement déconnectée du coût réel et des charges de l’exercice libéral, ne comble même pas les frais impondérables.
Avec quels moyens ? :
Imaginez-vous avec un logiciel médical auquel vous n’êtes pas formé, une connexion via la carte CPS qui relève de la prouesse technique, des cerfas en attente, des courriers et biologies reçus pour des patients inconnus examinés par d’autres médecins…etc.
Et le Ministère espère pieusement des volontaires, car la solidarité pour ces territoires oubliés de la République, où ont fermé écoles et services publiques, l’exige.
Les médecins, variables d’ajustement d’un système en déclin, ont encore l’obligation de résoudre les difficultés d’accès aux soins, conséquence de la débâcle politique.
Et quand nous parlons d’obligation, ce n’est pas une exagération !
Le Sénateur Philippe Mouiller, élu Les Républicains (n’oublions pas que M. Neuder est aussi LR) et Président de la Commission des Affaires sociales du Sénat a retranscrit la Mission de Solidarité Territoriale dans sa proposition de loi (PPL) votée en première lecture et en procédure accélérée.
Proposition de loi, n° 1424 – 17e législature – Assemblée nationale
Cette mission, qui tient plus de la permanence que de la continuité des soins, repose sur la base du volontariat (sous réserve d’un nombre suffisant de médecins !) sous la contrainte de possibles réquisitions assorties de lourdes pénalités financières (chapitre IV PPL MOULLIER) :
« – cette participation s’exerce sur la base du volontariat ou, à défaut, sur désignation du directeur général de l’agence régionale de santé.
– en cas de refus de participation à la mission de solidarité territoriale, le directeur général de l’agence régionale de santé peut prononcer à l’encontre du médecin une pénalité financière.
– le montant de cette pénalité est fixé en fonction du nombre de jours ayant fait l’objet d’un refus de participer à la mission et de la réitération éventuelle du refus.
– un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article, notamment le nombre de jours maximal pour lequel un médecin peut être désigné pour participer à la mission et le montant de la pénalité financière, dans la limite de mille euros par jour ».’
Le Ministère nous concède donc une indemnité de 200 euros par jour pour fermer nos cabinets au détriment de notre patientèle, mais la peine encourue en cas de refus de participation à cette nouvelle mission pourrait s’élever à 1000 euros par jour, si la PPL MOUILLER était votée !
En général l’attractivité d’une mesure repose sur une incitation forte. A l’inverse, les politiques privilégient la sanction financière pour motiver les médecins…
La seule mesure d’équilibre qui favoriserait le volontariat et donc l’accès aux soins dans le cadre de cette mission semble évidente, en concordance avec la mission de permanence des soins en zones d’intervention prioritaire (ZIP) : la défiscalisation intégrale des actes et des indemnités.
Saluons la volonté du ministre, M. Neuder, de défendre le principe du volontariat. Force est de constater qu’il est isolé, car cela n’apparait pas explicitement dans le Pacte du Premier ministre et la PPL Mouiller ouvre la voie à de possibles réquisitions sous peine de sanctions.
Exiger toujours plus des médecins, les contrôler plus encore, imposer un volontariat sous contrainte, aux risques de pénalités financières au même titre que la mise sous objectifs (MSO), est un énième affront d’une maltraitance institutionnelle, dont le poids n’a jamais été aussi lourd à porter et à supporter.
L’UFMLS entend alerter tous les médecins et être force de propositions pour que des mesures incitatives fortes fassent du volontariat une réalité. Nous rejetons fermement toute nouvelle forme de contrainte et, plus encore, de possibles pénalités financières aussi injustes qu’indécentes.
Le bureau de l’UFMLS