A l’heure où une manifestation nationale se prépare, il n’est pas inutile de rappeler les dangers

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Dominique Thiers BautrantA l’heure où une manifestation nationale de grande ampleur se prépare, il n’est pas inutile de rappeler les dangers qui nous menacent et faire le point sur les positions respectives des différents protagonistes.

Un puzzle que l’UFML a reconstitué et dénonce

Depuis plus de deux années, l’UFML alerte sur les dangers de l’étatisation de la médecine et de la privatisation du financement des soins, amorcés de longue date mais précipités par l’indigne signature de l’avenant 8 qui validait d’une part les tribunaux d’exception et la toute puissance des tutelles, et d’autre part l’entrée dans la danse des complémentaires qui ont ainsi gagné leur place autour des tables de négociation conventionnelle.

Le premier projet de la Loi Santé est déposé en juillet 2014, non sans avoir été précédé de la publication du rapport Cordier, panégyrique du parcours de soin et socle doctrinaire de la Loi, de la large promotion par les syndicats signataires du Contrat d’Accès aux Soins, base des futurs « contrats responsables » et cheval de Troie des réseaux de soins, du vote de la loi le Roux excluant dans l’immédiat les médecins des réseaux mais les implantant largement dans le paysage sanitaire français et les esprits, le tout de façon contemporaine à la Loi de financement de la sécurité sociale restreignant encore l’ONDAM et clouant au pilori les soins de ville, autrement dit la médecine libérale.

Le Tiers Payant Généralisé … plus petit dénominateur commun

S’il n’a fallu que quelques semaines à l’UFML pour saisir l’ampleur des enjeux et assembler les pièces du puzzle, les syndicats signataires du cheval de Troie ont manifesté bien moins d’inquiétude.

Sous la pression d’une base dument alertée, néanmoins, le Tiers Payant Généralisé est rapidement apparu comme le plus petit dénominateur commun capable de fédérer les médecins et cristalliser leur colère.

Et pour cause.

Il ne s’agit pas seulement de la complexité d’un procédé technique, qui aurait dû être réglé depuis longtemps, par exemple pour nos collègues pharmaciens, mais qui masque bien autre chose.

La généralisation du Tiers Payant, jusque là largement pratiquée dans sa version sociale, n’est que le moyen de masquer le désengagement de l’Assurance Maladie, le glissement du remboursement du risque dit « léger » vers les complémentaires, et la meilleure façon de « tenir le stylo » du prescripteur en appliquant le principe de la ROSP au règlement de l’act.

Dés que le remboursement de l’Assurance Maladie passera au dessous du seuil des 50%, les médecins tomberont sous le coup de la loi Le Roux, nonobstant leur « exclusion » initiale.

Le TPG n’est pourtant que la partie émergée de l’iceberg.

La Loi Santé porte les germes de la destruction de la médecine libre, et il est illusoire de penser que cela n’arrivera pas parce qu’on a besoin des médecins.

Une Loi bâtie sur des slogans, des inexactitudes, des raccourcis

Ce besoin est une réalité de terrain, ce n’est pas celle des politiques, qui manient aisément les concepts de transfert de compétences, prévention, parcours de soins qui sonnent bien creux pour les acteurs de terrain, débordés et les patients désemparés face à une offre de soins de plus en plus opaque et rare.

D’ailleurs, cette Loi n’est pas bâtie sur une réalité de terrain, mais sur une succession de slogans dogmatiques et idéologiques, presque des mensonges.

Ainsi l’accès aux soins : « 25% de la population renonce aux soins de consultation en raison des tarifs » n’hésite pas à écrire un député de la majorité en réponse à un courrier ouvert de l’UFML !! et de citer une étude, en effet largement diffusée (1).

La lecture attentive de cette étude indique qu’en réalité 4% renoncent aux consultations médicales pour raisons financières, et encore, n’en détaille t’elle pas les raisons : problème d’avance de frais (alors que ces 4% persistent chez les CMU qui ne font pas l’avance) ou problème de distance et des frais inhérents aux déplacements, la même étude indiquant clairement que le premier motif de renoncement est le délai d’attente et la distance ?

La réalité de cette loi est un changement radical de paradigme où la Santé devient un Droit, dont la lettre est écrite par l’Etat au vu de ses intérêts politiques et économiques du moment, et représente un marché dans lequel les complémentaires doivent prendre leurs parts.

Le Droit à la Santé, assujettissement des soignants et prise de contrôle de l’état sur la santé des patients

Le Droit à la Santé justifie alors la toute puissance des ARS, bras armé du ministère, qui pourront, dés la sortie des décrets idoines, imposer les équipements, les implantations, les partenariats non seulement aux établissements mais aux cabinets libéraux, individuels ou de groupe, tandis que « l’alignement stratégique » avec LES organismes d’assurance (comprenez complémentaires et assurance maladie obligatoire) imposeront les règles de prescription, les tarifs et mettront en œuvre les sanctions prévues pour les délits statistiques.

Le Droit à la santé autorise l’état à disposer des données de santé de nos patients et en permettre l’accès à tout acteur déclaré légitime de la santé, dont les complémentaires.

Le Droit à la santé permet à l’état de limiter les libertés individuelles, tant celles du patient que celle du soignant, liberté de soigner, liberté d’être soigné, de choisir son soignant et même son assureur.

Le Droit à la santé donne à l’état et aux financeurs du soin, le droit de disposer du patient, du soignant, dans leur dimension physique, morale et déontologique tandis que nul contre pouvoir n’est instauré.

C’est ainsi que la nature, le niveau, le coût et la qualité des soins étant fixés par décret, la notion même de santé est radicalement modifiée.

Variable normée, elle se vide de toute déontologie et des valeurs qui lui sont attachées, indépendance, autonomie, bienveillance, justice, et, bien sûr, le secret médical.

Une Loi faite pour les patients, selon la Ministre, rien n’est moins sûr, plutôt une Loi sur leur dos

On peut légitimement s’interroger sur les capacités de ce système à maintenir la qualité des soins au niveau des avancées scientifiques et non en fonction des pressions lobbyistes, tant les professionnels en sont exclus.

Mais on peut aussi s’interroger sur la pérennité d’un système de financement qui tient si peu compte de la réalité des coûts.

En maintenant les tarifs des soins à un niveau artificiellement très bas, il devient possible en effet de « négocier » des contrats low-cost.

Mais que sait on de leur évolution possible en fonction de l’état de santé du salarié, de son activité, de son départ à la retraite ?

Il n’est pas illégitime de craindre, sur ces contrats minimalistes et sous évalués, une précarisation de la protection sociale et donc de la santé, sauf à accepter l’énorme surcoût des sur-complémentaires qui finiront par être la règle (2).

L’accès des complémentaires aux données de santé prend alors une toute autre connotation que celle de la progression scientifique (3).

Cette Loi portée par le gouvernement au nom de l’accès aux soins pour tous, de la justice sociale, du droit à la santé et de la modernité, deviendrait alors celle de l’inégalité, de la dégradation de la couverture sanitaire et sociale, de l’offre de soins et de la disparition de l’art médical tel qu’il nous est enseigné depuis des siècles, remplacé par une gestion managériale du soin dont les profits seront au mieux versés aux actionnaires, au pire alimenteront des fonds de pension étrangers.

Il n’est pas possible de réduire la vision des conséquences de cette Loi au strict TPG ou à quelques points, même litigieux.

Il nous faut avoir une vision plus large et réaliser qu’elle permet la mise en place d’un vaste système mercantile, un des rares économiquement porteur dans les années à venir, entièrement piloté par des bureaucrates et des assureurs, et dans lequel patients et médecins se retrouvent en bout de chaine, les uns en cotisants obligatoires et contrôlés, les autres en effecteurs entravés et exploités, alimentant un monstre dont la pérennité n’est même pas assurée, alors qu’il s’agit de vie , de souffrance et de mort.

 » La Santé est le bien le plus précieux au monde « .

Oui, tant qu’on n’essaie pas d’en faire le business plan de politiques et financiers aux abois.

L’Union de tous les acteurs et des patients doit être sans failles

Dés lors les dissonances perçues dans le monde des professionnels de la santé paraissent dérisoires, hors de propos, voire irresponsables : trans-générationnelles, intersyndicales, interprofessionnelles…

Dresser les médecins les uns contre les autres, les soignants les uns contre les autres en dissimulant soigneusement les motifs réels, légitimes et communs de leur colère, voilà une manipulation bien cynique et intellectuellement malhonnête.

Qui pourrait en tirer bénéfice, si ce n’est à titre individuel pour quelques meneurs ambitieux ou à l’ego démesuré, tandis que, sous les yeux des millions de patients inquiets et des dizaines de milliers de praticiens soucieux de la qualité de leur travail, se met en place inexorablement le système de la Grande Distribution de la santé (4).

L’UFML a fait le job : elle a analysé, alerté, mobilisé, et poursuit ce travail de fond.

L’UFML appelle sans relâche à l’Union sincère et sans failles des médecins entre eux, mais aussi des médecins avec tous les soignants et les patients.

Le 15 mars, chacun doit montrer aux décideurs aveugles, que le message est passé, que cette loi doit être retirée, sans concessions.

1 http://www.irdes.fr/Publications/2011/Qes170.pdf

2 http://www.latribune.fr/actualites/economie/france/20150215trib9a6aaa542/une-guerre-des-prix-se-profile-sur-les-complementaires-sante-guillaume-sarkozy.html

3 https://vimeo.com/117149041?from=facebook

4 http://ufml.fr/avenant-n-8-lettre/89-newsletters-ufml/543-reseaux-de-soins-la-grande-distribution-lorgne-sur-la-sante.html

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