Covid19 et psychiatrie : une génération en danger

crise psychotique

À la question : Pourra-t-on faire face en France à la troisième vague de la Covid 19, dite vague psychiatrique ?
La réponse est non.
À la question : aurait-on dû anticiper et prévenir les décompensations psychiques qui s’abattent sur nos jeunes, en particulier les étudiants ?
La réponse est oui.
En avait-on les moyens ?
La réponse est non.
Ces réponses, une fois de plus, ne font que mettre en lumière le cruel état de délitement, de perte des forces vives, dans lequel est tombé notre système de soins psychiatriques depuis une vingtaine d’années.

 

Le secteur public a perdu 50000 lits en 30 ans. Des compensations avaient été promises en termes de structures extra hospitalières : promesse non tenue. Sur 4500 postes de psychiatres à l’hôpital, 1000 sont vacants. L’hôpital a aussi perdu la formation spécifique des infirmiers, ce qui a encore contribué à l’affaiblissement des soins en équipe. Enfin, les urgences psychiatriques ne sont plus structurées ; elle se fondent dans les urgences générales, ce qui pose un grave problème.

Le secteur libéral n’est pas en meilleur état : règlementations et tarifications absurdes, revenus au plus bas de l’échelle européenne, attractivité en chute libre.
En fait, c’est l’ensemble du système qui souffre lourdement de la politique d’économie imposée à la Santé, alors même que les maladies mentales occupent la troisième position en termes de prévalence dans notre pays. D’après le Conseil de l’Ordre, la France a perdu en huit ans trente pour cent de ses médecins psychiatres. L’avenir, de ce point de vue, est plutôt sombre car selon les ECNI (l’ancien concours d’internat), le nombre de postes d’internes non pourvus dans notre spécialité est passé de 4 % en 2018 à 17,6 % en 2019.
Comment faire face ? Quelles réponses apporter aux souffrances de nos jeunes étudiants ? L’isolement, la précarité, la séparation d’avec leurs pairs, l’absence de vie sociale, parfois familiale, font le lit de nombreuses décompensations psychiatriques : états anxio-dépressifs, troubles du sommeil, troubles addictifs, somatisations, voire idées  noires avec passages à l’acte suicidaires. On observe de multiples décrochages, en particulier dans les premières années, chez des étudiants qui, en 2020, avaient déjà passé dans des conditions très particulières un baccalauréat dont on sait qu’il joue le rôle de « rituel de passage ». N’ayant pas eu de « rentrée », quelle chance ont-ils de pouvoir s’intégrer dans leur nouvel univers ? Comment pourront-ils investir ce qui fonde leur avenir sans l’appui la structure universitaire, sans relation avec leur promotion, avec les professeurs ? Si les jeunes sont moins touchés physiquement par ce virus, ils le sont beaucoup
dans leur construction et leur santé psychique.
Depuis un an, l’État leur a proposé des solutions quasi exclusivement virtuelles. Tout a été misé sur le distanciel et les moyens technologiques. C’est un contresens au regard des besoins psychiques
de tout individu. Et la preuve en est faite une fois de plus : rien ne remplace le contact et les relations inter humaines. L’équilibre psychique des étudiants est en danger et les numéros de téléphone
mis à disposition récemment pour recueillir leur détresse n’y suffiront pas ; s’ils peuvent fournir une aide ponctuelle, ils ne sont guère qu’un substitut à une réelle relation thérapeutique.
Le gouvernement, dans une prise de conscience tardive, a proposé récemment, par la voix de son ministre de la Santé Olivier Véran, un dispositif pour 2021. Il s’agit du « couple médecin généraliste psychologue ». Sauf que les généralistes, qui font face à la crise sanitaires, n’ont pu être formés à la psychiatrie, tandis que restent floues les conditions de mise en place d’un réseau de psychologues.
Monsieur le Ministre, nous avons les plus vives inquiétudes sur l’efficacité d’un Xième plan de santé mentale d’où sont évacués les psychiatres.
N’aurait-il pas fallu imaginer plutôt une organisation pensée en relation avec les doyens et les professeurs ? Cela aurait permis aux étudiants, en particulier ces des premières années, de se rendre en cours à temps partiel avec des masques protecteurs type FFp2. Ainsi auraient-ils pu retrouver la motivation et la stimulation nécessaires. Pourquoi ne pas ouvrir sur les campus de petites structures de crise facilement accessibles, incluant des psychiatres à même de poser les bons diagnostics et les indications de traitement qui en découlent ?
Puisque nous sommes en présence de nouvelles formes de souffrances psychiques, pourquoi les psychiatres ne sont-ils pas associés aux dispositifs mis en place au sein d’une société en crise ?
Le retard de prise en charge des pathologies psychiatriques est lié à une volonté ancienne de faire des économies de santé massives dans notre spécialité. Il est lié aussi à une forme de déni de cette sphère de la médecine. Les gouvernements successifs ont méprisé notre spécialité et ce choix fait maintenant des ravages chez nos jeunes.

L’UFMLS tire le signal d’alarme sur un phénomène dévastateur qui touche les plus jeunes, et risque d’avoir des conséquences à long terme. Elle demande que des organisations et moyens spécialisés soient mis en place en urgence pour des prises en charge adaptées.
Les mesures et choix d’investissements actuels ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. Sachons-le, si nous ne sommes pas entendus, c’est toute une génération qui est mise en danger.

Vice-présidente UFMLSDocteur Jacqueline Goltman
Médecin psychiatre
Vice-présidente de l’UFML-Syndicat

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