Black Friday …Vendredi noir

Jerome Marty

Jerome MartyA tous,

Nous étions sur une journée exceptionnelle, historique.

Dès 8 h les retours montraient que la participation à l’arrêt d’activité était à l’aune des sondages que nous avions fait soit plus de 90 % d’arrêt d’activité des cabinets et plus de 75% des établissements de soins impactés. Les ARS souvent sous estimaient le mouvement ainsi que les préfectures… Les cortèges au départ de Bordeaux, Lyon, Toulouse, Marseille, Rennes, Lille, étaient plus importants que prévu et grossissaient en avançant.

Lors de la conférence de presse du MPST, du BLOC, de la FMF à 10 h, nous annoncions un mouvement très important, la préfecture de Paris, très crispée,  m’appelait  au sujet du mouvement sur le périphérique et menaçait d’interdiction et de saisie les véhicules ; après discussion et explications, la pression retombait et les services de police étaient mis à notre disposition…

Au fil de la journée, la présence médiatique se faisait plus importante, les chiffres tombaient toujours plus gros, la FHP annonçait 2/3 des établissements impactés…

Le président de la CME d’un gros CHU appelait l’un d’entre nous à 12 h 30 pour lui signifier de gros retards aux urgences et le fait qu’il fallait arrêter le mouvement…Les cortèges grossissaient encore, des actions se multipliaient en province par des coordinations et des syndicats de médecins, d’IDE, de dentistes…

A 18 h les RG nous confiaient : près de 800 véhicules participaient à l’opération autoroutière, 260 véhicules entraient sur le périphérique alors que certains convois de province entraient dans l’autre sens !!! La presse se faisait plus critique à l’égard de la ministre annonçant que celle-ci devait croiser les doigts que ce conflit ne dure pas (BFM) du fait de sa dureté rare.

Plusieurs motos-caméra suivaient le cortège, les forces de l’ordre imposaient la sortie porte Maillot à 19 h, nous obtenions après plusieurs appels : 19 h 30 et la sortie porte Dauphine.

Devant la faculté de Brigitte Dormont, un point presse était organisé où les prises de positions et les questions des journalistes portaient sur « comment des médecins en sont-ils réduits à bloquer » et sur l’atteinte aux valeurs de la profession. Les retours politiques montraient une grande inquiétude du ministère… Après dissolution du cortège et appel à différents responsables syndicaux nous renforcions la communication: ils sont en train de craquer ! Il faut continuer !…

 À 21 h 30, nous étions plusieurs responsables et membres de coordinations, au restaurant, heureux de cette journée, les yeux brillants de celle qui s’annonçait et… soudain l’effroi : vers 22 h un SMS reçu annonçait un attentat dans Paris … Sur twitter les infos se multipliaient, confirmées par un de nos contacts, source sûre. J’appelai Philippe Cuq, Didier Legeais, J P Hamon, nous avons décidé de faire un point le lendemain à la première heure…Les informations se multipliaient, le drame devenait indicible.

Un premier SMS vers 23 h 30 était envoyé aux chirurgiens et anesthésistes libéraux de Paris et région Parisienne, relayé par les réseaux sociaux leur demandant de rejoindre leurs établissements et de le faire savoir, (BLOC, UFML).

A 1 h, une conférence téléphonique regroupant BLOC FMF SML UFML MPST FHP avait lieu, nous apprenions le déclenchement du plan blanc sur le 95, nous décidions de suspendre le mouvement et d’appeler les soignants à remplir pleinement leur rôle auprès de la population. Au même moment, François Hollande annonçait l’état d’urgence. Un communiqué de presse était écrit et cosigné des participants, et envoyé. Un autre CP pour les 5 syndicats de médecins leur était envoyé par le BLOC pour validation à 1 h 30 …pas de réponse de ceux-là. Les visions d’horreur , les comptes-rendus insoutenables se succédaient, les témoignages de proches directement ou indirectement impactés également.

À 3 h du matin, la préfecture appelait pour un point sur la suppression des actions, je confirmais : suspension du mouvement.

À 9 h, nouveau point téléphonique avec les présidents de syndicats, Claude Leicher s’offusquait qu’ un CP ait pu être écrit sans MGF (sans doute devait-il dormir pendant que nous réagissions à l’actualité dramatique) et, celui qui appelait la veille ses troupes à moins parler de la loi Santé, responsable d’aucune action nationale, nous donnait des leçons de solidarité, à nous qui avions réagi immédiatement. Un CP était envoyé par les cinq syndicats appelant à cesser le mouvement, un CP était envoyé par UFML appelant à suspendre le mouvement.

À 10 h 30 nous appelions la préfecture et un responsable des RG afin d’avoir un contact avec les responsables de l’APHP et de l’ARS pour mettre à disponibilité nombre de médecins présents à cet instant sur Paris, une liste d’inscription était créée. Le ministère et l’ARS prenaient notre numéro au cas où le besoin serait effectif…la France n’était que douleur…Nous étions comme tous, sidérés…

Le mouvement a donc été suspendu et c’est l’honneur des soignants que de réagir ainsi face au drame.

Nous allons observer de très près la suite du calendrier législatif. Soit, comme il serait logique de le penser, l’examen de la loi est repoussé et nous nous adapterons au nouveau calendrier. Soit, de façon alors honteuse, le calendrier législatif reste le même avec un vote de la loi fin décembre ou début janvier et une date de re-mobilisation sera immédiatement posée et l’indignité de la manœuvre dénoncée.

Cher tous, nous avions presque gagné, nous avons presque gagné …Mais le drame, mais l’horreur, mais l’épouvante, mais le cœur, mais l’union, mais le soutien, mais la solidarité…nous avons suspendu le mouvement.

Je salue ici du fond du cœur tous ceux qui, chacun à leur niveau, se sont investis, allant jusqu’à prendre la responsabilité de convois pendant des centaines de km ou de plusieurs centaines de véhicules. Ils ne l’ont pas fait pour rien, ils ont montré que c’était possible, ils ont prouvé la mobilisation…le pouvoir le sait !

L’heure est à l’union nationale face au drame. Nous ne modifions en rien nos positions face à la loi Touraine et vous demandons de rester à l’écoute et mobilisés.

Vous avez tout mon respect.

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