Crise des urgences et Plan Buzyn : voyage en absurdie !

 Les solutions présentées par la ministre de la santé et issues des travaux des médecins hospitaliers Pierre Carly et Thomas Mesnier reflètent, une fois de plus, une double méconnaissance :

-Méconnaissance de l’importance de la crise vécue depuis des années par les Français et leurs soignants.

-Méconnaissance de la médecine de ville et des particularités de son exercice.

Analyse de quelques solutions :

Ne plus accepter ou réduire au maximum le passage aux urgences des personnes âgées

  • Bonus aux hôpitaux mettant en place une filière d’admission pour les personnes âgées : l’intention est louable, comment ne pas la saluer ? Mais la gériatrie est un des parents pauvres de l’hôpital, non sacralisée, elle n’a pas été faite voie d’excellence et les services de gériatrie peinent à trouver aides-soignantes, infirmières, médecins. Comment dès lors imaginer une extension de ces services sans résoudre cette problématique de base : les métiers du grand âge ne sont pas valorisés.

 

  • « Mettre en place une vidéo assistance entre les SAMU et les EHPAD«   : de très nombreux EHPAD  sont déjà équipés en matériel de télémédecine et reliés avec les CHU, pour une utilisation qui diminue les transferts et participe ainsi à l’élaboration de soins de qualité en lien avec les spécificités du grand âge. Cette utilisation est peu compatible avec la gestion de l’urgence gériatrique chez des patients souvent poly pathologiques et sujets à des décompensations globales qui nécessiteront le déplacement d’une ambulance et leur transport vers le centre hospitalier. De plus, rappelons que ces urgences peuvent intervenir en période nocturne (12 h/ 24) alors que les EHPAD  n’ont pas d’infirmières présentes… Qui dès lors sera devant l’écran? Rappelons également que des territoires de gardes libérales (Permanence des soins ambulatoires) sont étendus par les Agences Régionales de Santé éloignant les médecins de garde, et que nombre de ceux-là fonctionnent en « nuit légère / nuit profonde (0h à 8 h) » avec seul le SAMU disponible en deuxième partie de nuit. Rendre plus attractive la médecine libérale en lui apportant les mêmes avantages que la médecine hospitalière

 

  •  « Mettre en place un Tiers Payant Généralisé pour les médecins de garde«  Rappelons que cela existe déjà et que rien n’empêche le médecin de garde de le réaliser. Rappelons également que contrairement à ce que pense la ministre et les médecins hospitaliers auteurs de ces solutions, la notion de gratuité n’intervient qu’à la marge dans le surcroît d’augmentation des passages aux urgences : elle existait en effet déjà il y a 20 ans alors que le nombre de passages était moitié moins important. La difficulté de trouver un médecin présent et disponible à l’heure de la crise démographique est par contre une des causes de cette augmentation. La différence de traitement entre la médecine de ville et la médecine hospitalière en est une des clés : 250 euros minimum par passage aux urgences 25 euros la consultation chez le médecin généraliste. Ces honoraires  sous tarifés sont-ils appelés à être augmentés dans leur utilisation en Tiers Payant telle qu’annoncée par la ministre : rien ne le laisse supposer.

 

  •  « Autoriser les SAMU à envoyer une ambulance vers un cabinet de ville ou une maison de santé, où pourront être réalisés une consultation et certains examens médicaux sans avance de frais. » Il est permis d’être dubitatif devant une telle proposition alors que les cabinets de médecine de ville fonctionnent à flux tendus, assurant plus de 350 millions de consultations par an, et on voit mal l’intégration d’un patient brancardé au sein d’une salle de consultation occupée. Il est nécessaire de rappeler que l’acte d’urgence est par essence non programmé et que des plages horaires ne peuvent ainsi lui être réservées.

 

  • Donner « aux cabinets de médecins libéraux et aux maisons de santé la possibilité de pratiquer directement certains examens de biologie dite ‘’délocalisée’’, pour permettre au patient de réaliser ses examens dans le même lieu à l’issue d’une consultation et d’obtenir un résultat dans des délais courts. » Rappelons que suite aux baisses tarifaires successives et aux exigences de qualités les laboratoires se sont restructurés faisant disparaitre les laboratoires de proximité, remplacés par des centres de prélèvements, et que les temps d’obtentions des résultats biologiques se sont ainsi, fréquemment allongés en médecine de ville. Est-il permis d’envisager une attente de plusieurs heures pour obtenir une troponine (indispensable pour écarter un infarctus) par exemple ? Le plan Buzyn envisage-t-il de remailler le territoire en biologie performante ? Rien n’est à cette heure précisé.

 

  •  Création dès la rentrée 2020 d’un diplôme d’infirmier en pratique avancée (IPA) pour la spécialité « urgences » (diagnostic à l’aide d’un algorithme, réalisation d’actes techniques en autonomie, prescription d’imagerie) ; ouverture aux infirmiers de deux protocoles de coopération pour l’imagerie et les sutures de plaie (rémunérés par la nouvelle prime de coopération de 100 euros brut mensuels). Il est permis de s’étonner de la sous tarification de ces actes médicaux dès l’instant où ceux-là seraient pratiqués par des infirmières en pratique avancée. La recherche d’économie sur le soin a t’elle sa place au sein de cette gestion de crise ? Le diagnostic à l’aide d’un algorithme fait donc son entrée, personne ne l’a vu présenté, quelles études de faisabilité, quel coût ? Quel risque ? Quelle responsabilité ? Quel retentissement assurantiel ? Rien n’est véritablement exposé, pourtant le patient n’a rien d’un cobaye.

Ces quelques solutions exposées montrent bien une méconnaissance de l’importance de la crise vécue depuis des années par les Français et leurs soignants.

Méconnaissance de la médecine de ville et des particularités de son exercice.

Ce sont de médecins et d’un tissu sanitaire libéral complet global et performant dont ont besoin les Français en amont des urgences et de création de lits d’aval dans les hôpitaux publics et privés afin de favoriser la fluidité des urgences et l’orientation des patients vers l’aval.

C’est de respect et de considération dont ont besoin les soignants en ville comme à l’hôpital, cela passe par la connaissance des particularités de leur exercice et de leurs besoins pour le réaliser, les solutions présentées en restent  éloignées.

Dr Jérôme Marty Président UFML-S

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3 Commentaires
  1. soufron 5 ans Il y a

    Je suis surpris pour ne pas dire choqué de ne pas voir évoqué le rôle des spécialistes libéraux et des établissements privés dans la prise en charge de l’urgence, d’une part par le ministère (mais on a l’habitude) mais d’autre part par l’Ufml supposée représenter tous les médecins et pas seulement les généralistes…

    • Zigmund 5 ans Il y a

      vous faites erreur : l’UFML-S regroupe à peu près autant de spécialistes que de médecins généralistes .( je suis moi mm spécialiste)
      dans le cas de la crise des urgences il est normal que les généralistes soient un peu plus concernés.Ils sont souvent « en 1ère ligne  »
      il y a des urgences dans toutes les spécialités, que nous gérons en libéral ou adressons. De ce que je sais,en libéral, qd l’urgence est très  » spécialisée  » il est préférable de s’adresser directement au médecin ou chir spécialisé s’il est joignable, mais du fait du « parcours de soins » certains patients passent d’abord par le généraliste et si celui ci est absent ou débordé « atterrissent » aux urgences. Il y aurait bp à dire sur la gestion des urgences en spécialité mais le projecteur des médias est braqué sur « les urgences » en général et du coup sur les généralistes parce qu’ils sont plus « visibles »

      • Zigmund 5 ans Il y a

        de plus j’ai oublié de préciser que sur 9 mb du bureau de l’UFML syndicat 3 sont MG les autres : 2 rhumatos 2 oph 1 psychiatre 1 radiologue

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