Il était là, las, allongé. À droite et au dessus de lui, des lumières et des bruits, des sonneries, derrière, des mouvements, des mots, des phrases, sur lui…
Il ne bougeait pas, pas seul. Un quart de la chambre, plus tard, un autre quart, vide horizon horizontal dont le changement monotone à chaque retournement rythmait ses jours.
Il était fort, un roc, un pilier qui presque jamais ne ployait, lui qui devant entrainait les autres, poussait pour ne pas céder une mètre, était seul, figé, sous oxygène.
Tout avait été si brutal, quelques jours de fièvre, une fatigue, un essoufflement, son médecin, l’hôpital et l’immobilité…
Des semaines avant d’être là, il les avait entendus : il n’y avait pas de malades, pas de maladie, tout était inventé. Parait que c’était une dictature sanitaire, un complot, parait qu’il n’existait pas.
Il avait 42 ans… Connards…
Il aurait voulu les voir, là où il ne voyait que des blouses blanches, des masques, des yeux exténués, des brancards toujours plus nombreux.
« T’isole pas tout seul » « On est pas là pour être ici » pour la première fois, ces phrases lancées des tribunes trouvaient leur sens.
Il devait se relever, respirer, respirer seul.
Alors, pour se donner des forces, il s’imaginait les trainer ici, mettre à jour ce décalage entre fantasme et réalité. Il les voyait sans épaisseur, sans densité, plantés au milieu des couloirs, à l’entrée des chambres, près des lits, bras ballants, mains nues, inutiles…Les blouses blanches, couraient d’un box à l’autre, passaient au travers d’eux, sans même les remarquer, encore et encore, elles les dispersaient, jusqu’à les faire disparaitre.
Il fermait les yeux, l’équipe jouait pour lui, un jeu sans cons, un jeu parfait.
