Vendredi 13 Novembre 2015

Vendredi 13 novembre 2015

22 h 08

SMS : gros incident sur Paris (attentat) …
Alors que les premiers twitts qui font état d’une ou plusieurs explosions au Stade de France apparaissent, la confirmation  glaçante est là devant mes yeux.
Nous sommes une dizaine de médecins au restaurant, nous sommes euphoriques, nous venons de mener une opération de blocage du périphérique parisien après avoir fait converger des convois des quatre coins de France. Autour de moi personne n’a vu, personne ne sait. Les sourires et les rires illuminent…Dans quelques secondes ils s’éteindront et, comme moi à cet instant, chacun basculera de l’autre côté.

Dans les mêmes circonstances quelques mois auparavant nous avions vécu les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher, l’enfer a parfois du cynisme…
« Putain ça recommence! ».

C’est sorti seul…Nous étions en grève et avions levé le mouvement, dès l’annonce des attentats.

Nous sommes en grève, c’est le blackfriday, lundi un grand rassemblement est prévu…Ça recommence…
Second SMS, « tir à la kalach, explosion au stade, ça continue à République ». Les premières images sur les chaînes info commencent à tourner. Autour de nous le silence…
J’appelle Philippe Cuq, nous n’avons pas à ce moment précis de connaissance du nombre de victimes, nous évoquons l’arrêt du mouvement…Autour de moi les regards ont perdu leur éclat, semblables à tous ceux que nous croiserons dès lors au cours de la nuit et du lendemain, connus ou inconnus, une communauté de tristesse.
Le drame s’amplifie, des tirs au bataclan, les terrasses…Sur mon téléphone les SMS se succèdent, mon contact me dit, « une quarantaine de morts probables », Philippe Cuq me rappelle, quelques mots, nous appelons les responsables en lien avec les chirurgiens, les anesthésistes, les centres d’urgences privés et la fédération hospitalière, SMS, twitts, face book : « Médecins, urgentistes, chirurgiens, anesthésistes de la région parisienne, cessez immédiatement le mouvement de blocage sanitaire, soyez disponibles pour vos structures et faites-le savoir ». Nous diffusons aux journalistes.
Avec l’annonce des terrasses mitraillées, le drame se fait plus proche : « Le petit Cambodge » …Ma nièce, celle d’une consœur face à moi devaient s’y rendre, elles ne l’ont pas fait, nous nous regardons, nous deux, nous tous, la barbarie n’est plus impersonnelle…
Sur les écrans, l’horreur, la guerre au centre de Paris.
Nous nous appelons à nouveau entre responsables du mouvement et à 1h, alors que plusieurs tireurs sont en fuite, nous décidons de stopper le mouvement. Depuis plusieurs heures, de nombreuses consœurs, de nombreux confrères se sont spontanément rendus dans les centres d’urgences.
La nuit est émaillée d’appels de la préfecture de Paris, confirmation de l’arrêt maintes fois répétée, chaos, fébrilité…
Il est 9 h nous sommes là…Faire quelque chose, aider, participer, il y a plusieurs centaines de médecins de province encore présents sur Paris. Nous appelons le ministère, puis l’ARS, nous proposons la mise à disposition de plusieurs dizaines d’entre eux, « pour l’instant nous gérons mais si un nouvel attentat frappe….nous gardons votre numéro »…

Faire quelque chose, aider, participer…Nous commençons à élaborer une cellule psychologique, un réseau de consœurs et confrères psychiatres de Paris et de la couronne parisienne recevront gracieusement les chocs post-traumatiques. La cellule fonctionnera plusieurs semaines.
Nous sortons dans Paris à la recherche d’éventuels égarés au point de rendez- vous convenu avant le drame, le temps est étiré, le calme est fragile, la rumeur permanente…
Plusieurs jours ont passé.

L’état d’urgence est déclaré, la jeunesse, l’insouciance, le plaisir, l’amitié, la fête, la culture, la France, frappés, en plein cœur.

Si je vous raconte mon 13 novembre, c’est pour vous dire combien nos actions peuvent être futiles face à la barbarie, et pour vous rappeler combien nos combats sont indispensables.
Défendre la médecine de France c’est défendre ses valeurs, c’est défendre ces femmes et ces hommes qui font face et portent secours, qui entraident, écoutent, soulagent, guérissent ou accompagnent.
Je ne reviendrai pas sur les actes de la ministre de la santé, sur ce maintien de l’examen et du vote de sa loi en procédure accélérée pendant les hommages rendus aux victimes, en ces temps de commémoration, le rappel de la vulgarité des actes n’a pas sa place…
C’était il y a un an, comme chaque Français, je sais précisément ce que je faisais au moment où la nuit est devenue noire…
C’était il y a un an, et contre la barbarie nous sommes vivants, contre la connerie, nous vivons, nous rions, nous buvons, nous luttons !

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