« A l’hôpital, le masque doit rester obligatoire » : l’appel de malades et de soignants Un collectif de patients, de soignants et de scientifiques plaide pour le maintien de l’obligation de port du masque dans les établissements de soins après le 31 juillet.

Masque obligatoire

 

Article paru dans l’Express

À partir de lundi 1er août, le port du masque à l’hôpital ne sera plus obligatoire, mais seulement « très fortement recommandé » a déclaré le ministre de la Santé. Cette décision intervient à la fin de l’état d’urgence sanitaire, sans en être une conséquence directe puisque la simple application du droit commun du Code de la santé publique (Art L3131-1) permettrait au ministre de la Santé de prescrire « toute mesure réglementaire ou individuelle relative à l’organisation et au fonctionnement du système de santé » en cas de menace sanitaire grave, « notamment en cas de menace d’épidémie ».

Ayant dépassé depuis longtemps le simple stade de menace, la pandémie de Covid-19 se manifeste désormais par une succession de vagues, dont la septième est encore en cours. À ce jour la circulation virale reste encore intense, avec un taux d’incidence de 700 pour 100 000. On comptabilise, rien que pour la vague « estivale », encore en cours, déjà plus de 40 000 hospitalisations, dont 6 % d’enfants et adolescents, et déjà plus de 3300 décès, dont 12 mineurs. Ainsi, le maintien du port du masque obligatoire à l’hôpital est non seulement possible, mais il est nécessaire si nous voulons préserver la santé des personnes, et par voie de conséquence aussi l’hôpital, qui n’est pas un lieu comme les autres. Par définition l’hôpital accueille des personnes malades, et donc vulnérables, et ses professionnels sont surexposés aux pathogènes.

« Une mesure de protection devenue, inexplicablement, de plus en plus clivante »

Sans masques, soignants et patients seront exposés à un risque accru d’infection, avec des conséquences aussi néfastes que prévisibles pour un système de santé déjà à genoux. Les soignants risquent d’enchaîner les infections et de s’absenter pour maladie, alors que la crise de l’hôpital se manifeste déjà par un problème d’effectifs. Nous risquons aussi de voir augmenter les conflits dans un quotidien déjà très stressant, à cause d’une mesure de protection devenue, inexplicablement, de plus en plus clivante. Nombreux sont les médecins de ville qui témoignent des difficultés à faire respecter l’obligation du port du masque dans leurs cabinets, faute d’obligation nationale. Que va-t-il se passer dans un environnement comme celui de l’hôpital, où les relations soignants-patients sont parfois déjà très tendues ? Après le débat sur la réintégration des soignants non vaccinés, cette gestion, qui laisse de facto aux directions le choix de garder ou pas l’obligation du masque, ne risque pas d’apaiser les relations à l’hôpital.

Concernant les patients, outre les risques directs des infections, d’autres conséquences sont à craindre : depuis la levée de l’obligation du masque en lieu clos, certaines personnes immunodéprimées ont limité leurs sorties dans les lieux publics clos au strict nécessaire, pour beaucoup aux établissements de soin qui les prennent en charge. Une telle décision pourrait conduire des personnes vulnérables à l’arrêt des consultations, des soins, des dépistages. Éloigner davantage les patients les plus vulnérables de parcours de soins, ne pas sécuriser les lieux qu’ils fréquentent, sont des incohérences majeures à l’heure où les autorités semblent avoir décidé, sans concertation, de tolérer une circulation importante du virus, en focalisant la protection uniquement sur les personnes les plus à risque de développer de formes graves.

Au Royaume-Uni, un retour rapide du masque à l’hôpital

Les hôpitaux devraient donc avoir la faculté de décider de maintenir le masque dans leurs établissements, et certains l’auraient déjà annoncé. Ainsi, la protection de la santé des personnes dépendra de leur lieu de résidence, accentuant encore un peu plus les inégalités de l’accès aux soins et des conditions de travail.

Le choix d’appliquer à l’hôpital le même principe que dans les autres lieux publics, un appel à la « responsabilité individuelle », se heurte à l’échec de cette stratégie que quiconque prenant les transports en commun peut constater : sous la pression sociale, la proportion des personnes qui portent un masque est très faible, bien loin des 71% qui souhaitaient son retour au début de la septième vague. Une tendance par ailleurs cohérente avec les résultats de l’enquête Coviprev de Santé Publique France, montrant fin juin la chute de la proportion des Français qui continuaient à porter un masque en intérieur[1].

Le principe de la « responsabilité individuelle » sous-entend que les personnes sont informées et comprennent les risques de la Covid-19, y compris le risque de Covid long et de séquelles, qu’elles connaissent les moyens efficaces de minimiser ces risques et qu’il est toujours possible de les utiliser efficacement. Il nécessite aussi que les autorités, pour leur part, proposent une politique de gestion sanitaire rationnelle et cohérente, accessible et compréhensible par tous. Dans tous les lieux, la levée ou l’instauration des mesures de prévention devrait se baser sur des indicateurs fiables reflétant la circulation virale. Visiblement, à date, ces conditions ne sont pas remplies.

D’autres pays, comme le Royaume-Uni, ont levé l’obligation du masque à l’hôpital, pour le réintroduire peu de temps après, face au constat de l’augmentation des cas nosocomiaux de covid-19 (jusqu’à +100%), y compris du nombre de patients admis dans des lits de soins intensifs et de l’augmentation des absences du personnel liées au covid-19 [2].

Nous, soignants, patients, scientifiques et chercheurs, demandons que l’obligation du port de masque soit maintenue à l’hôpital par décision nationale et que des critères scientifiques, anticipés et concertés guident les décisions de la gestion sanitaire.

Signataires :

Mathieu MOLIMARD, Président de CCM Hôpital Pellegrin, CHU de Bordeaux

Yvanie CAILLE, fondatrice de Renaloo

Francis BERENBAUM, chef de service, professeur de rhumatologie

Vincent DARROUZET, PUPH, chef de pôle au CHU DE BORDEAUX

Guillaume DEBATY, Professeur de médecine d’urgence

Jérôme MARTY, Président UFMLS

Christian LEHMANN, médecin généraliste

Armelle VAUTROT, universitaire, thérapeute

Franck CLAROT, radiologue, légiste

Hélène POIRIER, médecin

Claude-Alexandre GUSTAVE, biologiste médical

Dominique LANG, cadre infirmier en prévention et contrôle de l’infection

Matthieu PICCOLI, médecin des Hôpitaux

Corinne DEPAGNE, pneumologue

Emilie BRUNET, infirmière

Jérôme GUISON, médecin spécialiste en médecine interne

Thierry BAUBET, professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (AP-HP)

Nicolas RUSSIER, FFCS

Jean-Daniel KAISER, pharmacien praticien hospitalier

Emmanuelle DUMARCHAT, infirmière liberale

Louis, LEBRUN, médecin de santé publique

Axelle JAQUARD, infirmière

Christophe LAMARRE, médecin à Roubaix

Marie-Anne PANET, médecin

Cristina MAS, Collectif Covid Long Pédiatrique

Michaël ROCHOY, médecin généraliste

Amélie CAISSIAL infirmière puéricultrice

David SIMARD, docteur en philosophie de la médecine

Yannick FREYMANN médecin généraliste,

Cathie ERISSY, Secrétaire Générale de l’APPI Association de Promotion de la Profession Infirmière

Jonathan FAVRE, médecin généraliste

Matthieu CALAFIORE, médecin généraliste, directeur du département de médecine générale de l’Université de Lille

Caroline FOURNIER patiente, Renaloo

Sayaka Oguchi, Présidente du Syndicat National des Jeunes Médecins Généralistes (SNJMG)

Igor AURIANT, médecin réanimateur

Alexis GIRARD, médecin urgentiste

[1]https://www.santepubliquefrance.fr/etudes-et-enquetes/coviprev-une-enquete-pour-suivre-l-evolution-des-comportements-et-de-la-sante-mentale-pendant-l-epidemie-de-covid-19#block-249165

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