Je suis médecin généraliste et l’on veut m’abattre

Je suis médecin généraliste et l’on veut m’abattre.

 

J’ai commencé à exercer il y a 22 ans ; on ne parlait pas de déserts médicaux, la France était forte d’un secteur sanitaire développé en ville comme à l’hôpital.

Les hôpitaux publics et les cliniques privées étaient présents sur tout le territoire…

Chaque Français y compris dans les coins de France les plus reculés avait accès à un médecin, une infirmière, un kinésithérapeute. Les laboratoires de biologie et les cabinets de radiologie n’étaient jamais loin, les pharmacies dans chaque village.

2019

Les déserts médicaux sont devenus habituels, dans les villes, les banlieues, la ruralité.

Les hôpitaux peinent à garder ou à recruter des médecins, des infirmières, 30 % des postes de praticiens hospitaliers sont vacants.

Les petites structures privées indépendantes ont disparu, étranglées par une politique tarifaire fixée sous le seuil de rentabilité par l’état et une augmentation permanente des normes et des obligations.

La politique sanitaire menée au fil des ans a concrétisé une réalité : quand les moyens viennent à manquer,  les gros maigrissent et les maigres meurent.

Les petites structures hospitalières privées volontairement fragilisées par les choix politiques se sont vu rachetées, des groupes patrimoniaux se sont créés, vite rachetés  à leur tour par des groupes financés par de l’argent public (banque de France et caisse des dépôts et consignations) et soutenus par des fonds de pension américains. Le marché a fait son entrée dans le soin…

Les responsables politiques successifs se sont réjouis de cela et ont continué à pratiquer une politique d’austérité sur le soin…

Les groupes financiers afin de garantir une rentabilité à leurs actionnaires ont continué à racheter le secteur hospitalier privé (le secteur n’ayant pas de rentabilité propre, au regard des tarifs pratiqués et des coûts induits) …

Arrivés au bout de la logique ils se sont achetés entre eux, les méga groupes sont apparus comme Ramsay Générale de santé (qui après avoir fusionné le groupe Ramsay et la Générale de santé a acheté le groupe suédois Capio).

Le nombre d’établissements à restructurer ou à racheter n’étant pas infini et les groupes nourris aux fonds de pensions devant une rentabilité à leurs actionnaires, ils fondent sur d’autres marchés : ils viennent sur la médecine de ville

Comme pour les achats d’établissements (cf. supra) ils vont « faire » avec l’argent public ! Là c’est l’assurance maladie qui va financer les salaires avec lesquels ils paieront les médecins…

Les médecins seront ainsi intégrés à un réseau de soins Ramsay GDS,  ils orienteront les patients vers les établissements de médecine, chirurgie, obstétrique Ramsay GDS, puis ceux là sortiront dans les EHPAD du même groupe…

Naturellement la pratique des médecins sera étroitement liée au bon vouloir de la structure…

C’est tout ? Non…

Revenons aux laboratoires de biologie, nous avons vu qu’ils couvraient le territoire…

Les biologistes se sont vus imposer années après années des baisses tarifaires, pendant que leurs structures se voyaient imposer des normes de qualité extrêmement contraignantes et chères et validées par un organisme privé : le COFRAC

Les laboratoires indépendants ne pouvant faire face, les restructurations étaient ainsi imposées au milieu, les groupes financiers comme pour les cliniques (le mécanisme était le même) allait rapidement apparaître.

De gigantesques laboratoires apparaissaient alors même que les laboratoires de proximité étaient remplacés par des centres de prélèvements et que les généralistes voyaient le temps d’obtention de résultats urgents augmenter…

C’est tout ? Non !

Les Radiologues subissaient le même traitement : décotes tarifaires continues et augmentation des exigences de qualités et de normes, les restructurations apparaissaient, bref vous commencez à comprendre…

C’est tout ? Non…

Les pharmacies ont subi  elles aussi des décotes sur les tarifs des médicaments, le tout générique n’a pas, loin s’en faut, permis de rééquilibrer les entreprises, les gros maigrissent (dans un premier temps) les maigres meurent (ou sont rachetés) vous connaissez maintenant la chanson.

Une pharmacie ferme tous les deux jours, des groupes commencent à apparaître et ce n’est pas l’accès à la vaccination ou aux renouvellements d’ordonnance ni la délivrance de Monuril qui modifiera l’effondrement…

C’est tout ? Non.

Les médecins de villes dont nous avons vu qu’ils étaient installés sur tout le territoire, voyaient leurs tarifs bloqués déconnectés du cout de la vie, prisonnier de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, le paiement à l’acte était lentement étouffé remplacé par des forfaits qui alourdissaient toujours plus la main mise administrative de l’assurance maladie sur leur exercice. Les contraintes, les normes ne cessaient de grandir  de  même que le temps de non soin, les départs augmentaient, les installations diminuaient… les déserts apparaissaient…

C’est tout ? Non.

Les politiques face au désastre, en demandaient plus…

Les généralistes venaient à manquer du fait des politiques successives, l’urgence n’était pas de favoriser leurs installations mais de les regrouper au sein de coopératives sanitaires en lien avec les groupements hospitaliers de territoires ou l’hôpital pourrait étendre sa main sur la ville.

Des assistants seraient disponibles pour les médecins qui accepteraient d’augmenter leur filières actives de patients (et donc leur cadence de soins)

Des actes jusque là réalisés par les médecins seraient réalisés par des infirmières en pratiques avancées, et d’autres professions du soin qui percevraient pour ces actes beaucoup moins que les tarifs effondrés des médecins.

C’est tout ? Non.

Des ambulances du SAMU pourraient se rendre dans les cabinets médicaux pour faire examiner les patients sur place et désengorger les urgences (sic)

C’est tout ? Non.

Les patients âgés pourraient bénéficier d’entrées directes dans des services de médecine sans passer par les urgences grâce notamment à des contrats passés entre les EHPAD et les urgences…Le soignant , le lit, l’opérateur …mystère…

Liste des solutions ministérielles à suivre ce jour

C’est tout non !

Parce qu’il faut parler des responsabilités

Si les établissements de soins privés se sont livrés aux fonds de pensions,  c’est parce que nombre de médecins alors propriétaires de parts et proches de la retraite ont capitalisé.

Si les laboratoires se sont restructurés au point de « desammenager » une part du territoire, c’est avec le soutien d’une part de la profession qui y a vu son intérêt.

Si les groupes financiers étendent leur main sur une médecine de ville plus que jamais affaiblie c’est dans le plus grand silence, ce silence qui accompagne sa descente continue depuis plus de 20 ans…

Si les politiques peuvent la main sur le cœur déclarer que « non, vraiment, la médecine libérale ça n’intéresse pas les jeunes » Si les mêmes peuvent déclarer encore que « le paiement à l’acte est incompatible avec la prise en charge des pathologies chroniques ou le travail en équipe ».

Ces exemples jetés d’une traite sur la page pour vous dire combien il est douloureux d’assister chaque jour à la répétition des mêmes erreurs, construites d’abord par l’individualisme, et le manque de volonté à s’engager.

Si les pseudos experts en tout genre : professeur d’économie jamais gestionnaire de rien, professeur  à Science Po, Professeur Retraité à la recherche de sa gloire passée, président ou représentant de Fédération hospitalière, Président de mutuelle ou d’Assurance, politiques de tous bords , faux docteurs vrais députés…parlent en notre nom, décident de notre avenir, de celui de la médecine de notre façon d’exercer à qui la faute?

Si ces experts font de vous les causes alors que vous n’êtes que conséquences des politiques sanitaires successives, si ces experts, ces politiques ont tourné le dos jusqu’à présent à la seule solution valable pour sauver notre système : rémunérer dignement ces acteurs, leur donner la cogestion du système dans le secteur public et dans le secteur libéral, débercyser le secteur de la santé, dégager une bonne partie des agences, et de l’administration de la santé …

Si la volonté de ces experts et responsables est de caporaliser la médecine, de créer des officiers de santé obéissants, pendant que se développent des plateformes commerciales de téléconsultations et autres commerces du soin …

Posez-vous une question à l’heure où en plus de tout cela on veut vous piquer votre régime de retraite…

Je continue à ne rien faire ou je m’engage?

UFML-syndicat , j’adhère

 

Nous sommes bénévoles, nous n’avons qu’une volonté vous

défendre, et vous, vous faites quoi pour nous ?

0 Commentaires

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

©2024

Ouvrir la discussion
1
Besoin d'aide ?
Scan the code
Bonjour,

comment puis-je vous aider ?

Vous connecter avec vos identifiants

Vous avez oublié vos informations ?