Et maintenant ?

Jerome Marty

 

Jerome MartyCette question simple et difficile qui ouvre sur l’avenir , l’immense majorité des médecins se la posent après la validation de la convention par Mg France, le Bloc et la FMF.

Cette question traduit mieux que tout autre, l’état d’esprit de notre profession fait d’inquiétude, de colère , de défiance. Inquiétude alors que décrets après décrets, la loi de modernisation de la santé commence à s’appliquer. Colère envers les syndicats signataires qui d’opposants à la loi de modernisation sont devenus partenaires contractuels de son initiateur. Défiance vis à vis des politiques dont les actes depuis trente ans abiment la médecine.

Incompréhension

Les médecins et les soignants dans leur ensemble voient l’essence même de leur engagement profondément modifié  par la loi de modernisation de la santé, qui consacre dans son article 1 l’étatisation du soin (l’état est responsable de la politique de santé) , la toute puissance des ARS (Les ARS sont les relais de l’état et veillent à la répartition territoriale homogène de l’offre) la mise à genoux de l’assurance maladie désormais chargée de l’application des décisions de l’état et, dans ses articles 25 et 47,  la fin du secret médical.

C’est la fin de la médecine libérale et c’est une bonne chose s’était exclamée Brigitte Dormont sur France Culture le 19 avril 2015 ajoutant que si l’Assurance Maladie veut influer sur la pratique des médecins, elle peut désormais le faire…Cette déclaration validait le combat de la profession, un combat pour sa survie , plus encore, un combat pour son indépendance, un combat de valeur qui allait bien au delà de la médecine libérale.

Les choses étaient clairement exprimées , les buts définis, la non signature étaient une évidence, ils signèrent… Passons…

Face à nous le drame….

Jamais la médecine de France n’a connu avenir plus sombre :

Selon le CNOM (2014) 27 % des médecins sont agés de plus de 60 ans, le nombre de médecins retraités a augmenté de 62.5% de 2006 à 2014 , durant la même période la hausse des actifs n’était que de 1.2% ! Seul 9 % des jeunes médecins s’installent en libéral au sortir de la faculté, 25 % des médecins formés ne se destinent pas aux soins, 25 % des médecins s’inscrivant à l’ordre ont été diplômés à l’etranger (62.4 % d’entre eux seront salariés) Paris a subi une baisse de médecin généralistes de 21.4% de 2007 à 2014 ! Les déserts médicaux se multiplient et n’épargnent aucun territoire (Toulouse voit 2/3 de ses médecins à moins de 10 ans de la retraite) et une pharmacie ferme tous les 2 jours sur le territoire . Le taux de suicides de la profession atteint 2.48 fois le taux national et le CNOM annonce 40% des médecins en burn out. 20 chirurgiens démissionnent tous les ans des hopitaux de Paris, l’espérance de vie professionnelle d’une infirmière à l’hopital est de 8 ans en moyenne,

Si ce bilan est le résultat des 30 dernieres années de politiques sanitaire, la loi Touraine va pulveriser le mur désormais fragile d’une profession au rôle de ciment sociétal.

Alors que la population vieillie (hausse de 20% des plus de 75 ans de 2006 à 2016 – INSEE 2016), Les difficultés d’accès aux soins vont se multiplier, les délais d’attentes s’allonger pour des patients désormais soumis à des contrats de mutuelles ou d’assurances low cost dans le cadre de l’ANI et du fait de contrats responsables, cadeaux fiscaux aux complémentaires qui limitent l’accès au soin et laissent aux seuls détenteurs de sur-complémentaires le libre choix de son praticien. La perte de liberté sera la règle pour des patients au parcours désormais fléché, otage économique d’une politique qui nie l’humain et l’individualisation du soin. Les Groupements Hospitalier de Territoire imposeront les lieux d’hospitalisation au mépris de l’histoire locale ,des spécificité régionales ou du simple choix de chacun (Brioude dont les administrés se voient imposer les hospitalisations au Puy en Velay en est un bon exemple) . Dans ce système Kafkaïen, les patients auront perdu la propriété même de leurs données médicales , désormais numérisées, et consultables par des non soignants sur leur dossier médical partagé ou monnayées à partir de la base de donnée patients… Les médecins désormais assujettis aux organismes assurantiels voient leur liberté et leur indépendance se réduire pour n’être demain que seul souvenir. Sans espoir de reconnaissance et de juste considération , ils voient leurs tarifs prisonniers d’un Objectif Quantifié de Dépense d’Assurance Maladie, au double effet pervers : les rendre coupables de son dépassement et donc de leur propre blocage tarifaire et lier les tarifs de leurs actes aux choix politiques et économiques du gouvernement en place.

Dans ce contexte d’effondrement les assureurs complémentaires, acteurs d’un marché décomplexé, n’ont de cesse de demander l’extension des réseaux de soin à la sphère médicale. Les médecins et les patients y seraient sous contrats, prisonniers de l’intérêt économique des complémentaires désormais organisatrices du soin. Les structures sont pretes, il ne manque qu’un décret ou la poursuite du désengagement de la securité sociale au bénéfice des complémentaires jusqu’à les rendre à remboursement majoritaire. Ce serait l’aboutissement, le dernier acte de politique Touraine .

Face à cette crise sans précédent dont aucun candidat à la magistrature supreme n’a saisi la gravité, la signature conventionnelle est une erreur politique majeure. Les accords conventionnels apparaissent insignifiant face au monstre qui s’annonce…Ils ne sont qu’un outil du système, les signataires l’ignorent t’ils?

Toute perte de temps face à la reconstruction du système sanitaire est coupable, et face aux responsables politiques, nous avons une devoir d’alerte et de vérité.

La gouvernance, le financement et la démocratie sanitaire , base organisationnelle de notre système de soins doivent être entièrement revu, et ce, avec tous les acteurs et toutes les générations.

Nous n’avons d’autres choix que le courage et l’audace.

Face à l’article 1 de la loi de modernisation de la santé qui fait de l’état le responsable de la politique de santé rappelons ce qu’écrivait Friedrich Nietzsche : Les médecins les plus dangereux sont ceux qui, comédiens nés, imitent le médecin né avec un art consommé d’illusion . A tous les soignants rappelons Vaclav Havel l’indépendance n’est pas un état de choses , c’est un devoir

 J’invite tout médecin, tout soignant  qui veut se battre pour  garder sa liberté vis à vis de  l’Etat à adhérer à l’UFML et à venir à l’AG du 17 septembre.

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